Subrepticement et de façon sournoise, les partis d'extrême droite s'installent doucement mais sûrement dans le paysage politique européen. Qu'en sera-t-il des élections européennes, débutées pour certains pays jeudi, et qui ont été clôturées hier dimanche ? Elles augurent d'ores et déjà une montée des extrémismes… Pour plusieurs raisons et en particulier celles liées à la crise économique qui secoue le monde depuis l'affaire américaine des subprimes, mais aussi à cause des effets de cette récession qui bouscule toutes les données économiques et financières. Les 500 milliards de pertes et les quelques 300 milliards de recapitalisation qui ont suivi le crash des prêts hypothécaires et les pertes d'emploi et les fermetures d'entreprises et usines avec un effet domino inéluctable ont bouleversé toutes les prévisions des stratèges et des experts. 375 millions d'électeurs inscrits Les travailleurs, les bas salaires mais surtout les catégories sociales les plus défavorisées sont les plus touchés par ce qui s'apparente à une arnaque de banquiers véreux et parmi les catégories sociales les plus faibles, il y a bien sûr … les immigrés. Une force de travail «corvéable à merci» et vers laquelle tous les regards sont braqués depuis. Singulièrement par les citoyens de pays européens dont la tradition de pourvoyeurs de main-d'œuvre est toujours vivace. Mais c'est toujours comme cela ; ce sont souvent les pays les plus touchés par la «misère» ou par des «crises» qui deviennent les plus extrémistes. Ces élections européennes concernent les 27 pays de l'Union européenne. 375 millions d'électeurs sont recensés mais seulement quelques pays, dont la Belgique et le Grand Duché du Luxembourg, pour ne citer que ceux-là, contraignent leurs électeurs à voter. 736 députés seront donc élus pour représenter les 500 millions de citoyens qui vivent en Europe. Un espace qui se place, en termes de population, juste après la Chine et l'Inde. C'est dire aussi combien les enjeux sont importants dans cette partie du monde et pourquoi, malgré des divergences importantes en son sein, l'UE fait bloc. Détruire le bloc soviétique pour un autre bloc ? Un bloc qui rappelle à s'y méprendre ceux des anciens «ensembles» de la guerre froide que l'Occident a justement tout fait pour «désintégrer». Une Europe et un Occident qui, paradoxalement, une fois le mur de Berlin écroulé, ont reconstruit un autre ensemble, un autre bloc qui compte aujourd'hui 27 pays et cherche à s'étendre encore… Il y a de quoi se poser des questions quand on sait que ce bloc européen notamment fait tout pour contrecarrer la création d'autres ensembles qui pourraient, s'il s'édifiaient, constituer une force avec laquelle l'UE devrait compter. Je ne sais pas pourquoi, mais je me demande de façon très naïve pourquoi nous n'arrivons pas encore à créer notre fameuse UMA. Mais sans doute ai-je l'imagination trop fertile et qui s'emballe, pourtant, le Maghreb Arabe Uni, c'est plus facile à créer, puisque les cinq pays qui le composent parlent la même langue, ont la même culture, une religion identique, des frontières terrestres… Alors que l'Union européenne, c'est une véritable tour de Babel avec 23 langues officielles, des territoires épars et éloignés, des cultures différentes etc. La belle Europe amante de Zeus Mais soit, passons après cette parenthèse hors sujet et revenons à cette chère Europe de 2009. Une Europe qui n'a rien à voir avec cette jeune princesse phénicienne qui fit tourner la tête de Zeus qui l'enleva pour l'emporter en Crète, après s'être transformé en taureau blanc. Selon la légende, bien sûr…. L'Europe d'aujourd'hui n'a rien à voir avec cette légende de la mythologique grecque. Et malgré toutes ses vertus, ses richesses, ses ambitions et ses valeurs de démocratie servies à tout bout de champ et avancées comme seules alternatives dans un «monde de brutes», l'Europe doit faire face de plus en plus à des dangers internes qui la menacent de tous côtés. Depuis le fameux traité de 1951 sur l'acier et le charbon, qui s'est «autoproclamé en 1962 Parlement européen», l'Europe a fait bien du chemin et a agrandi considérablement son espace, profitant ces dernières années de l'éclatement de l'ancien bloc soviétique grâce notamment à la «glasnost» du camarade Gorbatchev… Des efforts et des progrès à la mesure d'ambitions parfois démesurées, mais qui ont payé, car l'Europe s'est construite après une guerre abominable et parce que le spectre de cette guerre, particulièrement l'holocauste juif, ne cesse – et ne cessera pas avant longtemps – d'être brandi comme une épée de Damoclès pour faire passer tous les projets «unificateurs et solidaires». Des eurosceptiques braillards Et toujours au nom de valeurs qui prônent la démocratie, les droits de l'homme, etc. et qui sont des critères des plus honorables et légitimes, l'UE a néanmoins, au nom de ces mêmes valeurs notamment démocratiques, enfanté en son sein des monstres. Ainsi, l'exemple des eurosceptiques bien installés dans de nombreux autres pays et qui ne voient pas d'un bon œil tout ce qui se fait en leur nom tant à Bruxelles qu'à Strasbourg. Et qui le font savoir plus que de coutume, à grand renfort de manifestations souvent houleuses. Grèves, casses et autres matraquages physiques et médiatiques étiolent et altèrent régulièrement, au propre et au figuré, les façades trop lisses des institutions européennes. Mais c'est après la crise récente et ses retombées tragiques sur le porte-monnaie de la ménagère que de tels incidents font flores. L'extrême droite profite de la chaise vide Tout ceci ajouté au fait que les citoyens européens dont près de la moitié des électeurs ne comprennent rien aux institutions et ne s'y intéressent nullement, alors que de plus en plus, leur vie quotidienne est régie par les lois et règles qui sont prises au sein de ces hémicycles qu'ils méprisent. Cette attitude, à l'évidence, fait le bonheur de l'extrémisme et des partis d'extrême- droite qui profitent sournoisement de ce «boycott» pour foncer dans la brèche et récolter des voix de plus en plus importantes et autant de sièges qui leur permettent de s'imposer. Le citoyen lambda, faute de s'intéresser à la «politique» à part celle qui concerne son quotidien , son couffin, sa TVA et sa prime de congés payés, laisse donc le champ libre à tous les militants d'extrême droite qui, forts d'un populisme qui ne se dément jamais, ratissent très large au sein de la société. C'est dans un tel état de «délabrement civique» que l'on assiste aujourd'hui non seulement à l'occasion d'élections européennes, mais aussi lors de législatives, communales et régionales, à une montée en puissance de partis extrémistes en Europe… Immigrés, musulmans, sans-papiers, du pain bénit Des partis qui jouent sur la fibre sensible du travailleur lambda qui vient de perdre son boulot à cause d'entrepreneurs et de banquiers sans scrupules et qui – c'est devenu une cible de choix – montrent à la vindicte populaire «l'étranger immigré qui vient te manger ton pain». Autre sujet porteur et mobilisateur des partis populistes : l'Islam après notamment le 11 septembre. C'est du pain bénit pour tous les extrémistes occidentaux. A ce propos, merci à Obama qui vient de remettre les pendules à l'heure après son message cairote aux musulmans.Le foulard des jeunes musulmanes est évidemment aussi une aubaine qui accroît toutes ces «peurs» exploitées à merveille, quand elles ne sont pas suggérées comme c'est le cas avec l'émigration clandestine, les sans-papiers et tous les damnés de la terre qui fuient les conflits, la famine, la guerre… L'Europe a donc de quoi s'inquiéter quant au devenir de sa Démocratie. Une démocratie qui fait, paradoxalement, le lit de l'extrême-droite et qui a vu des le Pen, Jorg Haïder, Gollnisch, Alessandra Mussolini, José Luis Roberto de la coalition parlementaire ibérique ITS espagnole et tant d'autres phalangistes… Les mouvements nazis fleurissent Elle a de quoi s'inquiéter face à tous ces mouvements «nazis» qui essaiment désormais le nord de l'Europe notamment, mais aussi en Italie, nouveaux venus en Europe et transfuges des pays de l'ex-traité de Varsovie. Les partis qui exploitent la peur de l'immigré connaissent aujourd'hui une véritable ascension et s'imposent en interlocuteurs forts. Grâce peut-être aussi à des lois scélérates qui ont été votées par ce même Parlement qui se renouvelle ce 7 juin 2009. Et parmi lesquelles cette fameuse directive européenne contre laquelle seul le Président équatorien, Rafael Correa, s'est élevé courageusement, bravant l'Europe. Des lois discriminatoires et scélérates Correa qui a qualifié directive de «politique de la honte» a déclaré qu'elle «violait le droit de la libre circulation des individus et qu'elle assimilera les personnes concernées à des criminels. Si l'Amérique latine avait adopté cette directive avec les espagnols qui ont dû s'exiler de leur pays, qu'est-ce qui se serait passé ?» Cette leçon de sagesse suffira-t-elle ? A-t-elle fait prendre conscience aux dirigeants européens dont beaucoup privilégient leur intérêt national d'abord comme ce fut le cas des nationalisations opérées pour sauver leurs places financières et leurs banques ? Rien n'est moins sûr. Pour s'en convaincre, il suffit d'analyser ce premier résultat tombé aux Pays-Bas et qui a vu, logiquement, Geert Wilders le populiste remporter quatre sièges au parlement européen ! C'est énorme pour un parti dont le chef est un islamophobe notoire qui prêche sans arrêt contre l'Islam pour interdire cette religion en Europe… C'est ce raciste qui a réalisé le film anti-islam Fitna et dont le mouvement a «grandit» grâce à ses positions antimusulmanes et a aussi bénéficié du meurtre de cet autre populiste Theo van Gogh qui fut assassiné par un radical musulman turc…à Amsterdam. Tout ceci démontre si besoin est combien les partis européens qui poussent à la haine de l'étranger, de l'immigré, du musulman, de l'autre faciès…semblent promis à un avenir politique important. Pourtant, je croyais dur comme fer que de tels partis qui prônent la haine et le racisme n'ont théoriquement pas leur place dans des pays dits démocratiques comme ceux qui composent l'Europe de 2009. Est-ce à dire qu'au nom d'une certaine démocratie, on peut désormais faire l'impasse sur les Droits de l'Homme ? A bien y réfléchir, je préfère encore la princesse phénicienne Europe enlevée par un Zeus fou d'amour…