Deux royaumes, pas en odeur de sainteté en Algérie, ont fait l'actu en cette semaine qui s'achève. Le Maroc a crié au loup et dénoncé la visite de Ban Ki-moon à un camp de réfugiés sahraouis avant son escale à Alger, et le royaume wahabite qui lui a emboîté le pas en cautionnant la «marocanité» du Sahara occidental. Fallait-il s'en étonner ? Non, l'Arabie saoudite, fidèle à ses principes, a déjà un riche palmarès à contre-courant des causes justes. Ryad renvoie juste l'ascenseur au régime marocain qui l'a soutenu dans sa folie yéménite. Mohammed VI aurait même mis à la disposition de la coalition menée par l'Arabie saoudite 1500 soldats pour combattre au Yémen. Mais revenons à l'image du jour qui donne le vertige ! L'allié utile d'Israël, le soutien au terrorisme islamiste dans les pays arabes, s'est vu décoré en catimini, la journée du droit des femmes, de la Légion d'honneur par la France. Les Saoudiennes ont dû apprécier… Hollande a remis cette Légion d'honneur au prince héritier saoudien Mohammed Ben Nayef, ministre de l'Intérieur à ses heures perdues, dans le secret des alcôves de l'Elysée. Joli renvoi d'ascenseur entre gens qui ont une drôle d'interprétation de l'honneur, habitués qu'ils sont aux mystifications, trahisons et coups bas. Les humoristes français s'en sont régalés et ont gratifié Hollande d'un «bouffon du roi» qui en a pris pour son grade. D'ici, on a rigolé aussi, et on peut s'interroger sur la persistance d'une distinction qui, la plupart du temps, vient orner le poitrail de gens qui, en aucune manière, n'ont brillé par leur courage, leurs qualités morales ou civiques. Bien au contraire, il y a dans le lot un nombre considérable de magouilleurs et de fraudeurs. L'honneur n'est sans doute pas fiscal dans ce pays qui a honoré le fameux capitaine Bokassa, décoré de la Légion d'honneur et de la Croix de guerre pour ses sévices rendus en Indochine et en Algérie, sous les ordres du général Bigeard. Par la suite, en 1977, le mégalomane s'autoproclamera empereur de Centrafrique et sa Légion d'honneur lui servira d'alibi pour copiner avec un certain Valéry Giscard d'Estaing à qui il offrira quelques diamants… Aussi et à ce titre, le prince saoudien ne vient nullement ternir la longue liste des crapules courtisans, des tyrans vénérables, des valets récompensés et des débiteurs gratifiés. C'est le monde guindé des jobards, du protocole et de l'étiquette. La Légion d'honneur et toutes ces babioles inutiles ne sont, en fait, que des produits frelatés en ce monde des paillettes. D'ailleurs, un article du journal «Le Monde» intitulé «Arabie saoudite : Légion d'honneur et décapitations» a fait part de 154 exécutions, l'an dernier, de 70 cette année au pays des pétrodollars. Une manière de pointer du doigt un revers de médaille qui discrédite la diplomatie française. Une diplomatie qui, après 2002-2003, a été pourtant populaire dans le monde arabe. La raison en était simple. L'opposition de la France à la guerre d'Irak se greffant sur une tradition d'indépendance diplomatique gaullo-mitterrandiste lui avait donné un certain prestige. Fini ce temps-là, place à la mascarade. Il ne leur reste que les réceptions officielles, les fêtes nationales, les commémorations et les remises de médaille pour avoir de quoi s'occuper et amuser la galerie. La Légion d'honneur au prince enturbanné d'Arabie saoudite n'est qu'un épiphénomène, même pas un grain de sable dans ce théâtre des apparences. Et notre Ramtane Lamamra, en homme avisé, a dû s'amuser de derrière ses lunettes de cette mascarade diplomatique.