A l'invitation de l'Institut d'études de stratégie globale (INESG) Gabriel Jean-Pierre Galice, président de l'Institut international des recherches sur la paix à Genève (GIPRI), a animé hier une conférence-débat à Alger sur le thème : « Réseaux et territoires au service des empires ». Le professeur Gabriel Galice a expliqué pendant deux heures durant les nouveaux enjeux internationaux et les « politiques empiriques » qui, selon lui, « se sont plus que jamais renforcés allant jusqu'à atteindre une banalité dangereuse» et ce, a la faveur des nouvelles mutations mondiales en cours. Dans son exposé, le chercheur émérite, qui a été également assistant d'économie à la faculté de Constantine (Algérie) de 1976 à 1978, passera d'abord en revue les évolutions historiques de l'impérialisme en mettant le doigt, à chaque étape, sur les outils et les instruments utilisés par des acteurs au service d'une « politique empirique qui n'a de cesse tissé sa toile jusqu'à son stade actuel : global.». Pour Gabriel Galice, si les schémas traditionnels constitutifs de l'impérialisme ont été pendant longtemps basés sur une forme de domination directe par l'asservissement et la colonisation, la donne a complètement changé aujourd'hui puisque l'empire occidental dispose présentement d'outils sophistiqués et intelligents, en plus d'un important réseau mondial à son service. « Les marchés mondiaux, les multinationales, la monnaie, la culture et les motifs de démocratisations sont aujourd'hui les béquilles sur lesquelles repose le nouveau système de domination», explique le conférencier qui n'omet pas d'établir un lien direct avec les « marchés de l'économie mondiale.». Et dans ce domaine, les exemples ne manquent pas. « La dislocation du Soudan en est un exemple éloquent. On nous a dit qu'il fallait diviser ce pays au motif que les populations, entre musulmans au Sud Soudan, et chrétiens au Nord, se tapent dessus. Le pays est divisé. Mais il se trouve qu'au Sud Soudan les musulmans se battent toujours entre eux. Et au Nord, les chrétiens et les Arabes se tapent toujours dessus.». Idem, en Libye, en Syrie et dans d'autres régions du monde encore. Souvent, l'enfer guerrier, explique l'orateur, « est pavé de bonnes intentions pacifiques.». Mais « la bêtise finit toujours par nous rattraper. Pour preuve, les tragiques attentats en Belgique, ceux de Paris, sont les conséquences directes de l'amateurisme et de l'hypocrisie occidentale qui ont conduits aux chaos libyen et syrien», affirme-t-il. Droit d'ingérence Pour l'invité de l'INESG, la nouveauté réside aujourd'hui dans une certaine banalisation du recours à la force et dans l'installation de l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord (OTAN) comme bras armé d'un ordre mondial dicté par les Occidentaux. Le recours à la force, justifié par une éthique instrumentalisée, s'accompagne souvent, fait-t-il savoir encore, de la multiplication et de l'imbrication des causes de conflit. Les pays occidentaux ignorent superbement le droit international public. Pis, ajoute Gabriel Galice, les impérialistes se sont dotés de nouveaux instruments qui font passer leurs actions pour légitimes et nécessaires. C'est le cas du fameux droit d'ingérence. «Il s'agit ici, de l'aboutissement de longs efforts des partisans du « droit d'ingérence », qui ont commencé par s'affranchir des frontières pour porter secours aux populations avant de cautionner, au nom de la raison humanitaire, des interventions militaires.». Que faire ? Selon Gabriel Galice, la banalisation de l'empire libéral doit être impérativement freinée et combattue. « Face à cette situation, il est d'abord nécessaire d'oser penser.» Le flux des informations médiatiques souvent choquantes, la multiplication des conflits et les «normalisations» entreprises par les outils psychologiques aux mains des Occidentaux ont fini par « ôter aux intellectuels toute capacité de raisonnement et de questionnement. C'est pour cela que l'intellectuel aujourd'hui doit oser penser», soutient-il. Il est également essentiel, ajoute-il, de « réhabiliter les symboles.». « L'Etat a été pendant longtemps un symbole commun, fort et partagé par les peuples. Aujourd'hui, l'autorité de l'Etat dans une partie du monde est incarnée par les entreprises et les multinationales alors que dans d'autres régions du globe, où l'Etat a été totalement déstructuré, l'autorité est remplacée par la religion. Les peuples ont besoin de réhabiliter leurs symboles », dira-t-il avant de préconiser, en troisième lieu, de «cesser de diluer l'Etat-nation dans la mondialisation. Le conférencier précisera que toutes ces solutions doivent en outre être accompagnées par le rétablissement de l'autorité onusienne.