Les élections iraniennes passionnent l´Occident. Des chaînes de télévision d´information continue ont suivi, hier, l´événement heure par heure comme si le destin du monde dépendait du choix qui se portera, au second tour de ce scrutin, le 19 juin, sur le futur président. Second tour parce que même en l´absence de sondages dans ce pays, aucun des deux candidats, le président sortant Mahmoud Ahmadinejad et son rival Hussein Mussavi, ne pouvait l´emporter, le 12 juin. Il faut seulement se rappeler qu´en 2004, l´actuel président iranien n´avait obtenu que 19,5% des suffrages exprimés, alors que l´opposition, représentée par trois rivaux réformistes, totalisait 58%. Ce n´est un secret pour personne que l´Occident souhaite ardemment la victoire de Mussavi, dans l´espoir de voir Téhéran assouplir sa position sur la poursuite de son programme nucléaire, et saisir la main tendue du nouveau président des Etats-Unis, Barack Obama, favorable au dialogue avec l´Iran. Aux rares journalistes occidentaux qui ont pu l´approcher durant sa campagne électorale, Ahmadinejad s´est étonné (à juste raison ?) des craintes formulées en Occident à son égard. La passion des Occidentaux L'intérêt des Occidentaux pour le scrutin d´hier s´explique par la politique étrangère qui sera celle du futur président iranien, en aucun cas pour la situation économique et sociale ou même politique de ce pays qui autorise, pourtant, nombres de commentaires. En 2004, Ahmadinejad avait promis d´en finir avec la corruption et répartir justement la rente pétrolière entre l´ensemble des catégories sociales du pays. Ni le premier, ni le second objectif n´ont été atteints. C´est au plan extérieur qu´il est jugé, plus exactement sur le seul dossier de l´enrichissement de l´uranium à des «fins militaires», selon les accusations occidentales. Même si Téhéran continue de démentir ces soupçons, ils sont majoritaires les Iraniens qui applaudissent la fermeté de leur gouvernement face à l´Occident, y compris parmi l´électorat qui a voté pour Mussavi. Les Iraniens sont, au fond, logiques dans leurs arguments, plus ou moins exprimés ouvertement : pourquoi l´Iran se gênerait-il pour fabriquer sa bombe nucléaire si toutes les grandes puissances de la région et ses voisins immédiats, le Pakistan, la possèdent déjà, sans avoir suscité une telle mobilisation des grandes puissances occidentales ? Cette politique de «deux poids deux mesures» est plus flagrante dans le cas d´Israël dont la bombe est au point dans le désert du Néguev depuis au mois deux décennies. Personne à Téhéran ne peut comprendre une telle logique. Ni le radical Ahmedinejad, ni Mussavi, ni un autre candidat. La communauté internationale a mis près de trois décennies pour se rendre compte de la nécessité qu´il y a de relancer le processus de désarmement dans le monde. Il aura fallu que l´Algérie remette sur la table, à Genève le mois dernier, le plan soumis à Helsinki par son ancien ministre des Affaires étrangères Abdelaziz Boutelika. S´il n´est pas encore trop tard pour relancer ce projet, beaucoup de temps aura été perdu depuis et la donne a changé au plan international. Un enjeu de taille Le dossier nucléaire iranien a, d´ailleurs, quelque peu perdu de son intensité depuis qu´à l´autre bout de la planète, la République populaire de Corée a procédé, au début du mois de juin, à un essai nucléaire, suivi du lancement de deux missiles de courte portée. Un défi à la communauté internationale. Les pays occidentaux ne se font plus d´illusion sur le successeur du fis de Kim Il Sung, c´est déjà décidé. Ce sera comme dans les dynasties républicaines, le petit-fils du duché «leader respecté et bien aimé», de tous les Coréens. L´Occident veut, dans un premier temps, améliorer ses relations avec l´Iran pour mieux s´occuper du cas de Pyang Yang. Aussi, Européens et Américains misent-ils sur le succès, le 19 juin prochain, de Hussein Mussavi, ce qui faciliterait, à leurs yeux, la relance du processus de paix au Proche-Orient qui déboucherait sur la création de deux Etats, l´un palestinien et l´autre israélien, vivant en paix côte à côte. L´enjeu est de taille mais dans ce scénario plutôt optimiste, sur fond de campagne électorale iranienne, les Occidentaux oublient un aspect majeur du problème. Qui peut garantir qu'il n´a pas mis au point un plan d´attaque surprise contre les installations nucléaires iraniennes ? Il l´a fait contre l´Irak. Il a pris de court l´Egypte en juin 67. Voilà un scénario que la communauté internationale aurait tort d´ignorer.