Le Temps d'Algérie : Le sommet de Doha, tenu hier, vise à stabiliser les prix de l'or noir. Plusieurs experts doutent qu'un éventuel accord ait un impact significatif sur un marché pétrolier. De même, l'Agence internationale de l'énergie (AIE) a prévenu qu'un accord à Doha aurait un «impact limité» sur l'offre. Qu'est-ce qu'il en est selon vous ? Ferhat Aït Ali : Il fallait être doté d'une sacrée dose d'optimisme pour attendre un accord parfait à Doha entre tous les protagonistes d'une stratégie à laquelle le principal acteur manque, en l'occurrence les Etats-Unis et leurs majors. De plus, au vu des divergences d'intérêts, et même de destin, qui président aux relations entres les éventuels associés, il est illusoire de s'attendre à un accord sur la régulation du marché pétrolier. Pour ce qui est de l'incidence des résultats, supposés positifs, de cette réunion sur le prix des hydrocarbures, elle a été visible et consommée avant même la tenue de la rencontre de Doha. Incidence qui est d'ailleurs matérialisée par une hausse modeste mais éphémère. Ceci représente l'essentiel de ce qui peut être tiré de ce genre d'accord entre producteurs face à l'effet permanent des facteurs qui font bouger le marché en l'occurrence, la disponibilité des produits excédentaires par rapport à la demande actuelle et la spéculation justifiée sur l'incapacité des producteurs à reculer sur leurs quotas au vu de leurs situations budgétaires à venir. S'ajoute à cela, leur peur de perdre des parts de marché, conjuguée avec une appréhension sur la stagnation ou la hausse limitée de la demande mondiale au vu de la situation économique globale et des avancées dans les énergies alternatives pour le gaz et le fuel domestique. Le retour de l'Iran sur le marché est perçu par beaucoup comme un facteur qui aggravera davantage la chute des prix du pétrole qui ont baissé d'environ 60% depuis juin 2014. Quels sont vos pronostics ? Le retour de l'Iran, qui apportera quelque chose comme 1 million de barils en surplus d'ici la fin de l'année, si les prévisions iraniennes sont bonnes, aura comme incidence directe d'absorber l'essentiel des prévisions de hausse des consommations mondiales estimées à un maximum de 800 000 barils jour. Ce qui aura pour effet de plomber les espoirs sur une réduction des excédents actuels de production. Mais il pourra avoir une autre conséquence plus grave. C'est que sous l'effet des tassements de prix, dû à cette nouvelle hausse de la disponibilité mondiale, certains acteurs de la sphère exportatrice sont tentés de produire plus pour compenser le manque à gagner ou à proposer des prix plus bas que le marché pour casser la concurrence. Les Saoudiens l'ont déjà fait et seraient tentés de le refaire pour accentuer la débandade généralisée. Alger a mis beaucoup d'espoir sur la réunion de Doha. Notre économie est-elle à ce point dépendante des marchés pétroliers mondiaux ? Qu'est-ce qui bloque tout projet économique alternatif en Algérie ? L'Algérie, qui est entièrement dépendante des revenus des hydrocarbures pour l'essentiel de ses flux économiques, fiscalité et politiques publiques incluses, s'accrochera à toute lueur d'espoir même utopique ou de peu d'effet sur les cours si elle venait à se concrétiser. Nos budgets étant déficitaires depuis 2009, toutes recettes incluses, et mal orientées au plan dépenses. Notre économie présentement inapte à prendre le relais même modeste de cette rente devenue un facteur de pérennité, après avoir été une raison de vivre, ne pourra résister très longtemps à un pétrole inférieur à 90 dollars. Le pays a orienté l'essentiel des revenus vers le financement de la nuisance bureaucratique en son sein, et à l'achat de la nuisance parasitaire dans la société. Résultat : la conjugaison à l'œuvre de ces deux nuisances, somme toute complémentaires, et du même état d'esprit, ne laissera jamais aucun système productif autonome se développer si un grands coup de poing sur la table n'est pas donné par les segments utiles et lésés à ce jour dans leurs projections réalistes.