La situation du marché pétrolier, la hausse des prix du baril et ses incidences sur l'économie algérienne sont les principaux thèmes abordés par le directeur de la revue spécialisée Pétrole et Gaz arabes dans cet entretien. Liberté : Quelle analyse faites-vous sur la situation actuelle du marché pétrolier ? M. Nicolas Sarkis : Le marché pétrolier se caractérise par une très forte demande mondiale qui devrait atteindre 85,5 millions de barils au premier trimestre 2006. Mais, à partir du deuxième trimestre 2006, il y aura une chute de la demande qui passera à 83,6 millions de barils. Ce qui représente une baisse de 1,9 million de barils comparativement au premier trimestre. Cette baisse de la demande suscite l'inquiétude des pays membres de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) qui ont maintenu le niveau de production à 28 millions de barils/jour. Ceci dit, les prix du baril semblent bien orientés vers la hausse cette année à cause, notamment de facteurs géopolitiques comme la situation interne au Nigeria, le problème nucléaire en Iran, la situation politique au Moyen-Orient et la vague de froid qui traverse les USA et l'Union européenne. Les pays de l'OPEP s'inquiètent du problème nucléaire iranien qui peut menacer la stabilité de la région. Ce qui explique en partie le maintien des prix à un niveau assez élevé depuis l'invasion de l'Irak en mars 2003. Les prix du baril sont passés de 25 dollars/baril en 2003 à plus de 53 dollars/baril pour le panier de l'OPEP en 2005. Là encore, je précise que les prix du pétrole sont déterminés de moins en moins par les données fondamentales sur le marché, c'est-à-dire l'offre et la demande. Ils sont fixés essentiellement par des facteurs psychologiques, à savoir l'absence de données du volume réel des réserves pétrolières mondiales et l'avenir du pétrole en tant qu'énergie. Il y a également la spéculation sur le marché à terme du pétrole qui manipule 7 à 10 fois le volume du marché physique. Est-ce que les prix du pétrole vont rester à un niveau élevé durant les prochains mois ? Les prix du pétrole resteront assez élevés durant les prochains mois car les facteurs qui ont contribué à la hausse vont se maintenir. Il s'agit, notamment de la situation politique au Moyen-Orient, du problème nucléaire iranien et des menaces d'attentats terroristes proférés par le groupe d'Oussama Ben Laden contre certains pays occidentaux. Donc, les prix du pétrole atteindront probablement 80 dollars/baril. Quelles sont les conséquences de cette hausse sur l'économie algérienne ? La conjoncture actuelle est une bénédiction pour l'économie algérienne dont les revenus en devises ont doublé comparativement aux deux dernières années. Les recettes d'exportations ont atteint 44 milliards de dollars et les réserves de change 56 milliards de dollars en 2005, soit le double de ceux enregistrés en 2003. C'est un véritable trésor de guerre pour l'Algérie. Ceci étant dit, tout dépend de la capacité des décideurs algériens d'utiliser cette cagnotte pour réaliser les projets de développement économique. Je tiens à préciser, par ailleurs, que le prix actuel du baril, soit 52 dollars/baril, représente seulement 11 à 12 dollars en valeur constante par rapport au dollar de 1973. Les pays membres de l'OPEP dont l'Algérie ont rattrapé une partie des pertes subies suite à la crise pétrolière de 1986. Est-ce que le conflit gazier entre la Russie et l'Ukraine aura des incidences sur les exportations algériennes ? La dernière crise gazière entre la Russie et l'Ukraine a incité les pays européens à diversifier leurs sources d'approvisionnements en gaz naturel. Cette nouvelle orientation profitera principalement aux pays producteurs du gaz, dont la Qatar, l'Iran et l'Algérie. Actuellement, il y a un sentiment favorable à l'Algérie qui dispose davantage de possibilités de vendre son gaz sur le marché européen. Ceci étant dit, tout dépendra de la capacité de l'Algérie à honorer la forte demande des pays consommateurs du gaz naturel. Les besoins de ces pays sont estimés, aujourd'hui, à 100 milliards de m3 et pourront atteindre 450 milliards de m3 en 2030. Les exportations gazières algériennes peuvent dépasser 120 milliards de m3 en 2006. Mais, la difficulté se pose essentiellement en termes de réserves gazières disponibles. Autrement dit, l'Algérie doit faire un arbitrage entre la sécurité des approvisionnements internes en énergie et la demande des pays consommateurs du gaz naturel. Entretien réalisé par : FaIçal Medjahed