Heureusement que les Londoniens n'élisent pas vraiment le maire de leur ville pour les raisons que pensent beaucoup de ceux qui jubilent ces derniers jours. Ceux qui pensent qu'on a choisi un «musulman» là où on a plébiscité un… travailliste doivent rapidement déchanter si les raisons de leur bonheur sont celles qu'ils ont si ostentatoirement exprimées à travers les réseaux sociaux. Et sans doute dans d'autres espaces, puisque qu'on dise, la toile ne fait que prolonger les palpitations de la vraie vie. D'abord, pour cette raison évidente que Sadiq Khan, le Britannique d'origine pakistanaise qui vient d'être élu maire de Londres, n'est pas le musulman des fantasmes de beaucoup de ceux qui fêtent sa victoire en Algérie et ailleurs dans le «monde arabo-musulman». Il s'est prononcé pour le mariage homosexuel, trouve «inacceptable» «l'image anti-juifs» qui colle à sa propre famille politique et a déployé une rare détermination pour sauver de la fermeture un pub de Tooting, un quartier de sa circonscription. Si cela est largement suffisant pour désillusionner ceux qui veulent voir en Sadiq Khan le musulman dont ils rêveraient, c'est tout de même trop peu pour faire de lui le maire que les Londoniens ont élu. Ces derniers ont de quoi être rassurés, pour peu qu'il concrétise ce pour quoi ils l'ont choisi. Quant à ce qu'il a choisi – ou simplement hérité –, lui, comme croyance ou mode de vie personnel, ça n'a pas dû peser dans la balance. Et pour cause… ils l'ont choisi. Et plutôt trois fois qu'une, puisqu'il a été élu député en 2005 et réélu en 2010 et en 2015. Ce n'est donc pas vraiment une nouveauté, si on fait abstraction du poids symbolique que constitue le poste de maire de la capitale du Royaume. Pour le choix des Londoniens, peut-être que tout est dans le fait qu'ils l'aient préféré au conservateur et fils de milliardaire Zac Goldsmith. Dans ce Londres devenu trop cher pour les Londoniens, les classes moyennes comprises, l'option Sadiq Khan est certainement ailleurs que dans ce qui fait «l'événement». Dans son accession au poste de maire de Londres, ceux qui ne voient en lui que le «musulman pratiquant» qui habite toujours à Tooty ou pullulent boucheries halal, magasins de saris, épiceries indiennes et logements sociaux, empruntent étrangement les mêmes sentiers que ceux qui dans une campagne féroce, le considéraient comme un vrai péril pour la ville. Restent ceux qui y voient une preuve que Londres la ville ouverture, la multiculturelle et la rêveuse n'est pas une vue de l'esprit. Ils ont certainement raison, même s'ils se sont souvent laissés aller à un argumentaire trop aérien pour toucher le sens profond de cette élection. Slimane Laouari Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.