A l'heure de la xénophobie et de l'islamophobie ambiantes, la consécration du jeune Khan porte un sérieux coup aux clichés et aux tenants de l'idéologie de la haine, du racisme et de la discrimination. Le message ne souffre d'aucune équivoque, comme l'exprime nettement le verdict des urnes qui a consacré, avec 75% des suffrages, sa victoire sur son rival, le conservateur Zac Goldsmith. Peu après l'annonce officielle des résultats, l'élu travailliste a affirmé que « cette élection ne s'est pas passée sans polémique, et je suis fier de voir que Londres a choisi aujourd'hui l'espoir plutôt que la peur, l'unité plutôt que la division », a déclaré l'élu travailliste après l'annonce officielle de sa victoire. Le nouveau maire de Londres, qui « doit tout à Londres », est le produit d'une intégration réussie au cœur même des banlieues de la marginalisation vouées d'ailleurs à la dure condition de la répression et de l'excommunication porteuse de dérives sanglantes et de risque de guerre civile. Le jeune fils d'immigré pakistanais, qui a grandi dans le lotissement HLM de Tooting, dans le sud londonien et a été élevé à la faveur de l'éducation gratuite à l'Université de North London, a profité de l'esprit de justice qui a permis à cet avocat de formation spécialisé dans les droits de l'homme de tordre le coup à l'élitisme façonné au moule d'Eton et des universités de Cambridge et Oxford. Tout enfant, il voulait rabattre le caquet à tous ceux qui le traitaient de « Paki ». Il sera donc de tous les défis en président de l'ONG Liberty, en conseiller municipal de Wordsworth (1994 à 2006), puis député de Tooting (2005) sous les couleurs du parti travailliste qu'il a rejoint à 14 ans. L'ascension de l'enfant terrible de la banlieue londonienne s'est traduite par l'entrée dans le cabinet du Premier ministre Gordon Brown, en ministre chargé des Communautés. Il sera aussi le premier musulman à siéger dans un gouvernement britannique. Le cap est maintenu dans son long parcours qui verra le jeune Khan gravir, un à un, les échelons du pouvoir local et national. En dépit d'une campagne féroce qui le donne proche des « extrémistes islamistes », la victoire aux primaires travaillistes pour la mairie de Londres, d'autant plus significative qu'elle a été assurée contre la ministre déléguée aux jeux Olympiques sous Tony Blair, Tessa Jowell, a marqué une influence grandissante de la nouvelle étoile du Parti travailliste qui, sous sa houlette, a amélioré le score du Labour londonien aux législatives, alors que la parti a essuyé une déroute au niveau national. Le rêve prend forme. A la tête de la mairie de Londres, il succède aujourd'hui au conservateur Boris Johnson, un partisan d'une sortie de la Grande-Bretagne de l'Union européenne, pour donner plus de profondeur au « cosmopolitisme » de Londres considérée comme une « ville monde » abritant plus de 30% de population non blanche. Sur son compte Twitter, le chef du Labour, Jeremy Corbyn, a déclaré être impatient « de travailler avec toi pour faire de Londres une ville équitable pour tous ». Il entend se mobiliser pour défendre son maintien dans l'Union européenne et promouvoir une politique sociale fondée sur la construction de logements abordables et le gel des tarifs des transports pendant 4 ans. Dans un discours prononcé dans la nuit de vendredi à samedi, il a stigmatisé la culture de la peur. « La peur ne nous apporte pas plus de sécurité, elle ne nous rend que plus faibles, et la politique de la peur n'est tout simplement pas la bienvenue dans notre ville », a-t-il martelé.