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Le peuple du million de sourires
Reportage : Mauritanie
Publié dans Le Temps d'Algérie le 14 - 06 - 2009

La gentillesse, l'hospitalité, la tolérance, le calme, le respect envers l'autre sont parmi les qualités des Mauritaniens, une société pacifique attachée à la religion musulmane et aux traditions en ces temps de mondialisation.Fondée en 1957, la capitale mauritanienne a une particularité.
Elle n'est pas une ville, du point de vue de construction. Des îlots de maisons font la Cité, dont le prestigieux «Ilot C», quartier de la jet-set mauritanienne, situé non loin du Palais de la présidence. Actuellement émerge un autre quartier de même envergure, Las Palmas.
Pas loin de Tevragh-Zeina, quartier des mauritaniens aisés et des institutions étatiques, l'activité commerciale bat son plein au lieu dit Capital. Les Mauritaniens dans leur grande majorité sont d'excellents commerçants. Ils sont initiés, en côtoyant leurs aînés, à la simonie dès leur plus jeune âge. La femme exerce également le commerce sans être inquiétée, essentiellement dans la vente de tissus, de sacs, de chaussures ou d'objets traditionnels. Elle jouit d'une liberté relativement large. Et dans la rue, elle ne risque aucunement les agressions ou les plaisanteries mal placées.
L'on peut constater l'effervescence commerciale dans différents quartiers de Nouakchott. À proximité de la mosquée saoudienne, des milliers de personnes investissent les trottoirs pour vendre tous types de produits. Chaque coin a sa spécialité, du tissu au téléphone portable. Tous les espaces sont occupés, avec garantie de trouver une place pour garer son véhicule. S'ajoute à cela les centaines de vendeurs de cartes de recharges téléphoniques, qu'ils proposent aux automobilistes et aux passants. Ils se pointent généralement à l'angle des carrefours.
Autre petit métier, des femmes d'un certain âge vendent un excellent thé bien sucré. En le goûtant, il a un effet magique de déstresser et donne du tonus au corps. Des hommes en font de même, mais ils ne se mobilisent pas dans un endroit précis. Ils font la tournée des marchés et des lieux publics jusqu'à vider la théière. Il arrive parfois que le thé vous est offert soit parce que vous êtes un étranger afin de vous souhaiter la bienvenue, soit pour gagner de la sympathie.
Les charrettes tirées par les ânes sont tellement nombreuses que les accidents entre ces animaux et les voitures sont récurrents. Le nombre des charrettes est impressionnant à Cinquième, l'un des quartiers les plus animés de Nouakchott, où est concentrée une forte minorité subsaharienne. Les Sénégalais sont les plus nombreux, suivis des Maliens, des Guinéens, des Ivoiriens, et dans une certaine mesure, par des nationaux de Sierra Leone et du Ghana.
La majorité d'entre eux sont chauffeurs de taxis clandestins. Arrivés pour la plupart il y de cela une dizaine d'années, les immigrants subsahariens sont en constante augmentation en Mauritanie, plus particulièrement dans sa capitale. Cette recrudescence est liée au fait que les autorités mauritaniennes n'imposent pas de visa d'entrée aux ressortissants des pays de l'Afrique de l'ouest. Aux alentours de la mosquée marocaine, les subsahariens vendent de tout. Des fruits exotiques, telle la mangue, des tissus africains, des amuse-gueule, des vêtements en provenance de Chine, des gadgets… En réalité, et plus précisément au marché de Cinquième, c'est l'Afrique qui se présente.
Dans ce quartier, même les mosquées sont construites avec une architecture africaine, voire de type sénégalais.
Dans le marché couvert, des mauritaniens maures, appelés ici el Beïdane, occupent de beaux petits locaux parfumés à l'encens d'Arabie. Ils vendent essentiellement des derraâ, sorte de gandoura locale. C'est le costume traditionnel mauritanien. Très large, il peut envelopper l'ensemble du corps pour le protéger contre les rayons de soleil. Le tarif de la derraâ se négocie, ce qui est conseillé lors de tout achat. De différentes couleurs, principalement bleu et blanc, son prix oscille de 5000 à 10.000 ouguiyas.
Si le Mexique est le royaume de la coccinelle, la Mauritanie est l'empire de la Mercedes 110. Robuste et dotée d'un moteur d'une endurance avérée, elle peut parer aux difficultés d'accès des milliers de pistes dans la capitale. Mais le risque de s'embourber dans le sable est grand. Situation ordinaire dans un pays désertique. La meilleure façon de s'en sortir est de dégager le sable sous les roues ou d'être aidé par des riverains. Cependant, le pire scénario que vous puissiez imaginer, c'est d'être bloqué dans un no man's land au milieu du désert.

Des sites vierges
Le potentiel en investissement touristique est tellement énorme que les architectes peuvent dessiner des maquettes d'hôtels ultra-extravagants. Plages longues sur des centaines de mètres, main-d'œuvre disponible, climat estival à longueur d'année, la Mauritanie pourrait donner des idées aux richissimes investisseurs pour amorcer le développement de la filière, à l'image d'Abu Dhabi et Dubai.
Les belles plages, très propres, sont rarement fréquentées, excepté les week-ends, qui sont le vendredi et le samedi. Les familles mauritaniennes privilégient les sorties à partir de 16h, à la tombée des températures. Pour les classes défavorisées ou ayant des difficultés à subvenir à leurs besoins, les plages situées au sud du port de pêche sont les lieux de prédilection. S'allongeant sur le sable blanc et contemplant l'océan atlantique, des questions de la vie quotidienne sont abordées. Malgré la bonne température des eaux, les Mauritaniens, en général, ne se baignent pas. Ils préfèrent l'observation, peut-être pour s'inspirer.
Leur curiosité s'éveille en voyant quelqu'un nager. Pour créer des attractions, des férus de l'automobile se rencontrent sur le sable mouillé des plages qui jouxtent le désert. Petit à petit, les foules gagnent les lieux pour profiter d'un moment de plaisir motoresque. Comme dans les circuits de rallye, des figures de génie en véhicules sont réalisées. Peut-être qu'il serait temps qu'un opérateur puisse sponsoriser ces jeunes pleins de talent qui offrent à vrai dire un spectacle à leurs compatriotes. Un plaisir hors norme dans un pays dominé par les poètes.

Le pays du million de poètes
Sur ce, Mokhtar, un jeune mauritanien fort cultivé de 24 ans, nous a indiqué que son pays regorge de milliers d'artistes de ce genre. «La Mauritanie est le pays des un millions de poètes», insiste-t-il. «Si vous partez à destination des villages situés à l'intérieur du désert, vous rencontrerez des poètes d'une qualité d'expression en langue arabe mille fois supérieure à celle des poètes des pays du Golfe. Dommage qu'ils ne peuvent se faire connaître...
Cet art est transmis de père en fils». Mokhtar, lui, nous a récité à l'occasion quelques vers du répertoire de son arrière grand-père. Il a enchaîné en affirmant que «toutes les familles mauritaniennes ont un membre qui excelle dans la poésie, plus particulièrement les familles maures».
En effet, la société mauritanienne se répartit en trois principales catégories. Les beïdane (maures) sont aux commandes du pays et détiennent les sphères d'influence. Ce sont les groupes sociaux composant les tribus originaires de la péninsule arabique, et bien plus tard des tribus provenant du Maghreb. En se métissant avec les Berbères déjà présents en Mauritanie, ils ont donné naissance à un dialecte, appelé le hassanya, du nom de la tribu arabe Banu Hassan.
Les beïdane sont facilement reconnaissables dans les rues de Nouakchott. Ils sont de teint clair. Viennent ensuite les Haratins (à prononcer hartan). Ce sont en réalité les esclaves affranchis durant les années 1960, quand le premier président mauritanien, Mokhtar Ould Daddah, voulait faire de son pays une nation à la société égalitaire. Les haratins parlent l'arabe hassanya. On peut les reconnaître grâce à la tenue traditionnelle mauritanienne, mais à la différence des beïdane, ils sont noirs de peau. Il est à signaler qu'une loi a été votée en 2007 et promulguée par l'ancien président Sidi Mohamed Ould Cheich Abdellahi, qui pénalise toute forme de discrimination, soit 26 ans après l'abolition de l'esclavage.
D'après Mokhtar, qui est issu de la tranche des beïdane, «il est impossible de sceller des mariages entre deux membres de ces communautés distinctes, hormis quelques exceptions». De toute façon, ajoute notre interlocuteur, «les femmes sont déjà promise à l'aube de leur puberté. Le futur mari prend en charge ses besoins, issemenha, se comprend par la faire grossir (le gavage), et se marie avec elle ultérieurement».
Selon Mokthar, le gavage est en nette régression, au vu de l'évolution de la société mauritanienne et des séquelles que peut engendrer cette pratique au fil des années. Enfin, il y la catégorie des négro-africains, qui sont de nationalité mauritanienne, mais dont l'origine trouve ses traces dans les pays subsahariens limitrophes. A ne pas confondre avec les africains récemment installés dans le pays du Chenguitti.

Chinguetti
En évoquant Chinguetti, l'on peut nier que c'est l'un des berceaux de la civilisation musulmane. Cette région, dont le chef-lieu est Attar, dispense un enseignement religieux d'une haute qualité. Les Mauritaniens en sont fiers, puisqu'un autre adjectif est attribué à leur pays : la Terre des un million de savants.
Ils n'ont rien à envier aux pays du Golfe concernant cette question, car les oulémas du Chenguitti sont reconnus et respectés à l'échelle internationale. Un savant diplômé de Chinguetti peut remonter à la source d'un hadith en citant tous les rapporteurs jusqu'en la personne du Prophète Mohamed, Que Paix et le Salut Soient sur Lui. Malgré la rudesse du climat chenguitti et son éloignement des centres urbains, des étudiants algériens sont recensés dans l'université islamique de cette contrée désertique.

Le désert mauritanien
Il est accessible à partir de Nouakchott en l'espace de dix minutes chrono. En sortant de la capitale mauritanienne, des tentes de bédouins sont érigées un peu partout. Ils vendent du lait de chamelle. Le litre est cédé à 500 ouguiyas en moyenne. Recommandé pour lutter contre de nombreuses maladies, il est conseillé de boire ce lait, pour plus de goût, après une nuitée dans le réfrigérateur.
Les tentes sont implantées au bord de la route menant à Nouadhibou, deuxième ville du pays. D'une part le désert et de l'autre l'océan atlantique, la côte réserve de magnifiques paysages, tel un paradis sur terre. Se trouver seul sur le littoral pour trouver un calme débordant de silence est possible. Une véritable thérapie.


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