La ministre de l'Education, Mme Nouria Benghebrit, fait face ces derniers jours à un odieux déchaînement de haine dans le sillage des fuites des sujets du bac. Ses pourfendeurs qui se recrutent parmi les arabo-islamo-baathistes ont quasiment mis sa tête à prix. Son péché ? Vouloir réformer, pour de vrai, l'école algérienne, otage précisément de la vision sectaire de ces gens-là, qui empêchent l'Algérie de voir ailleurs que vers ce monde arabe sclérosé où le verbe «évoluer» se conjugue surtout au passé. Une chasse à l'homme, ou plus exactement, à la femme, a été déclenchée par des islamistes de tous poils contre cette femme dont les idées lumineuses et progressistes ont fait dresser les cheveux et les barbes à Hamadache, Djaballah, Makri et leurs frères. D'une seule voix, ils réclament tous que Mme Benghebrit démissionne de son poste, suite aux fuites des sujets dont elle n'est pourtant pas directement responsable. Certains animateurs TV de ce courant idéologique se sont même pris au sérieux, en jouant à l'écran les redresseurs des torts – à tort d'ailleurs – contre cette femme courage. On connaît l'intégrisme religieux qui a tellement fait de ravages dans notre pays avec les conséquences que l'on sait. Il y a fort à craindre que l'intégrisme culturel, dans ses différentes déclinaisons, risque d'être autrement dit plus dangereux, en ce qu'il cible prioritairement les têtes de nos enfants. Au nom d'une conception rétrograde et quelquefois débilisante de l'éducation, les tenants de l'arabisation envers et contre tous restent réfractaires à toute réforme qui ouvrirait l'école aux valeurs universelles et l'extrairait de la dictature de la langue unique. Et dans le cas de Mme Nouria Benghebrit, il y a aussi des «facteurs aggravants». C'est la première ministre de l'Education femme… Un casting totalement imprévu par les apôtres de cette famille qui recule, pour qui, ce département sensible devant fabriquer l'Algérien de demain ne pourrait ni ne devrait échapper à ses fourches caudines. C'est tout l'enjeu de cet acharnement détestable aux accents sexistes contre la ministre de l'Education que les arabo-islamistes veulent urgemment faire descendre de son piédestal. Lisons donc ce que lui reproche le chef du MSP, Abderrazak Makri, l'un des maîtres d'œuvre de cette campagne haineuse contre la ministre et non moins complexée sur la question de l'ouverture sur les langues. «Elle est (Benghebrit ndlr) responsable de la crise identitaire qui frappe aujourd'hui l'école et la société algérienne»... Que Dieu nous préserve de ce discours imprécateur que Makri et ses semblables tiennent à tout bout de champ. Ainsi donc, c'est Mme Benghebrit, cette femme bardée de diplômes qui est responsable de «la crise identitaire», si tant est qu'il y en a véritablement une… ! Il est loisible de deviner que la «crise identitaire» dans la tête de Makri et ses ouailles se réduit à la revalorisation de la langue française et amazighe qu'il assimile, par réflexe pavlovien, à un rapprochement avec la France et forcément un danger pour la langue arabe et... l'Islam. C'est cette posture décomplexée vis-à-vis des langues étrangères dans l'enseignement et cette ouverture d'esprit de Mme la ministre qui empoisonne la vie à Makri et ses amis de la même obédience. L'incessant lynchage dont elle fait l'objet depuis sa nomination suscite des questions sur la récurrence des grèves dans son secteur, mais également sur ces fuites des sujets du bac dont les auteurs sont, selon Makri, «à l'intérieur du ministère de l'Education». D'où tient-il ses informations ? La réponse est dans la question. A l'image de son collègue des Affaires religieuses, Mohamed Aïssa, qui a reçu une volée de bois vert quand il a dit vouloir réinstaurer «l'esprit de l'Islam de Cordoue» en Algérie, Benghebrit paye le prix de sa volonté de sortir l'école algérienne des griffes de ceux qui en ont fait une usine de fabrication d'enfants frustrés, complexés et par-dessus tout, bigots. Nouria est donc un rayon de soleil, une lumière, une lueur d'espoir devant sortir l'école algérienne de sa médiocrité. Elle fait face aux forces d'inertie déterminées à contraindre les Algériens à ne s'abreuver que de leur sombre projet qui empêchent toute «invasion» de la modernité depuis 1962. Le combat de cette femme doit être celui de tous ceux qui sont épris du progrès, de la science et du développement. L'Algérie ne doit pas être condamnée à ne regarder que vers l'Orient qui plus est, renvoie une image peu glorieuse en termes de progrès et de démocratie. Le front «anti-Benghebrit» a réussi à fédérer toutes les forces rétrogrades du pouvoir et de l'opposition dans un élan de défense de «l'honneur de la tribu». Ceux qui partagent les valeurs et le combat de cette ministre courage ne doivent pas faire preuve de lâcheté et se couvrir de déshonneur en observant un silence complice. Il serait en effet dommage de laisser le champ libre à la meute qui brûle d'envie de mordre une femme pas comme les autres.