L'échec de l'entrée en bourse du groupe CIGA est un signal inquiétant. Pour les observateurs avertis, il s'agit d'une première pour le marché financier algérien. L'introduction à la Bourse d'Alger de la Société des ciments d'Aïn Kebira (SCAEK) a été annulée. L'opération a été déclarée infructueuse et retirée suivant la réglementation en vigueur stipulant que les introductions en bourse doivent être annulées si le seuil de 20% du montant total de la souscription n'est pas dépassé. Le 15 juin 2016, dernier jour de la souscription, la levée de fonds avait atteint à peine 5% des 18,95 milliards DA que ce groupe public souhaitait lever. La SCAEK, filiale du Groupe industriel des ciments d'Algérie (GICA), a sollicité le marché financier pour réaliser des investissements et augmenter sa production de un à trois millions de tonnes. Etant donné la dynamique que connaît le secteur des travaux publics et du logement, les autorités financières et économiques ne doutaient pas un instant de la réussite de cette option d'entrée en Bourse d'Alger, d'autant plus que de la dernière expérience de Biopharm a été couronnée de succès. Mais voilà qu'on est surpris par un échec retentissant. Deux experts sollicités à ce sujet sont unanimes à souligner le manque d'anticipation et d'accompagnement chez les meneurs de cette entrée en bourse : «Il n'est pas normal qu'un secteur comme celui du ciment, très dynamique, n'attire pas et ne capte pas de fonds. Il doit y avoir un problème d'accompagnement et de préparation, surtout au niveau de la Cosob et de la Bourse d'Alger», a souligné en effet un expert financier spécialisé dans le domaine, qui a requis l'anonymat. Cet échec ne doit pas être justifié, d'après ce consultant, par le manque de liquidités ou un désintérêt de la part aussi bien des investisseurs institutionnels que du grand public. «Avant de faire appel à l'épargne publique, on devait tout évaluer et prendre en compte même les obligations lancées dans le cadre de l'emprunt obligataire national», a ajouté cet expert redoutant des conséquences plus graves sur l'avenir du marché boursier, notamment la persistance du manque de confiance envers cette place financière. Kamal Benkoussa, un ancien trader de la Bourse de Londres, soutient également que l'échec de l'opération d'entrée en bourse de la cimenterie publique n'est pas forcément lié au manque de liquidités financières. «Les Algériens ne sont pas intéressés par le marché boursier pour la simple raison que les rendements proposés restent faibles. Ils préfèrent placer leur argent dans des projets d'investissements propres que d'acheter des actions», nous fait remarquer ce spécialiste du marché boursier. La conjoncture financière et économique peut constituer aussi, selon lui, un facteur dans la réussite ou dans le revers d'une telle action. Benkoussa recommande aux dirigeants de la Société des ciments d'Aïn-Kebira de solliciter le soutien d'un fonds d'investissements et de mener des négociations en catimini. «En cas de non-aboutissement des discussions, le fonds peut se retirer sans porter atteinte à l'image de l'entreprise. C'est mieux que d'aller vers la Bourse et de ne pas réussir son entrée», soutient-il. Pour les deux experts, les responsables de la Bourse d'Alger doivent tirer des conclusions de cette douloureuse expérience pour éviter des cas pareils dans l'avenir. Surtout que de nombreuses entreprises algériennes veulent emprunter cette voie.