Jeudi 23 juin 2016. Cette date ne sera pas oubliée de sitôt par les députés. Et pour cause ! La séance de vote de quatre projets de loi, dont celui relatif aux militaires en retraite, a été reportée à lundi 27 juin, à cause de l'absence massive des députés du… FLN. Les partis de l'opposition ont eux aussi boudé la séance pour protester contre la surcharge du programme de ces derniers jours et l'expédition de lois importantes, ce qui les empêche d'avoir le temps d'examiner les projets de loi et de proposer des amendements. Le hall de l'hémicycle est dès lors pris d'assaut par les représentants des partis de l'opposition (islamiste, FFS et PT), assaillis par les journalistes. Mais l'opposition était trop minoritaire pour pouvoir bloquer la séance ou provoquer son report. C'est la défection collective et énigmatique des représentants du FLN, le parti majoritaire, qui était la raison principale du report. Faute de quorum donc, le président de l'APN, Mohamed Larbi Ould Khelifa, a annoncé le report à 13h30, soit après trois heures d'attente, mettant l'Assemblée dans une situation kafkaïenne. Pendant ce temps, tous les moyens ont été utilisés, ne serait-ce que pour avoir des procurations par fax. Peine perdue. Les députés FLN ne se sont pas seulement absentés, mais ils étaient aussi injoignables ! Est-ce donc un boycott en bonne et due forme ? Est-ce une action concertée ? Est-ce des initiatives individuelles ? Rien ne le confirme. Mais certaines sources au sein du parti majoritaire évoquent une absence volontaire en signe de solidarité avec le député Tahar Missoum, exclu de six séances. D'autres sources évoquent un mécontentement non assumé publiquement des projets de loi qui soumettent les militaires à la retraite à une obligation de réserve à vie. Dans les coulisses de l'APN, les discussions entre députés et journalistes tournaient autour de l'ancien ministre de la Défense nationale, Khaled Nezzar, qui a appelé les parlementaires à rejeter le projet qu'il dénonce avec vigueur. C'est une première dans les annales de l'APN. «L'évènement serait anodin si la conjoncture dans laquelle il intervient n'était pas grave», affirme une source bien informée, qui évoque le départ à la retraite de plusieurs cadres de l'armée le 5 juillet. Un autre député du FLN incombe la responsabilité au secrétaire général, Amar Saâdani, qui, selon lui, «néglige totalement les affaires du parti». «A l'époque de Belkhadem, on se réunissait à la veille de chaque séance de vote pour donner des orientations aux députés. Actuellement, c'est le laisser-aller général. Ni le chef du groupe parlementaire ni le secrétaire général ne donnent des orientations», regrette notre source. En tout cas, qu'il s'agisse d'une action concertée ou d'initiatives individuelles, la division du groupe parlementaire de l'ex-parti unique est consommée. Les quatre projets de loi programmés jeudi seront donc adoptés ce lundi avec ou sans le quorum. Il s'agit des deux projets de loi amendant les lois relatifs aux statuts des officiers et personnels militaires, du projet de loi relatif à la profession de commissaire-priseur et du projet de loi sur le règlement budgétaire pour 2013. Ce sont les deux premiers projets qui ont suscité la polémique et la désapprobation de l'opposition. Et paradoxalement, ce sont les partis de l'opposition qui ont participé à la réunion de Sant'Egidio en 1995 (le FFS, le PT et Djaballah), à laquelle les décideurs militaires de l'époque se sont opposés, qui défendent aujourd'hui la liberté des militaires à la parole en dénonçant les deux projets du gouvernement. Le report du vote suscite un autre problème de conformité avec la loi qui évoque uniquement un report entre 6 et 12 heures. «En cas d'absence de quorum, le scrutin est reporté à une séance ultérieure qui ne peut se tenir moins de six heures et plus de douze heures plus tard», stipule l'article 58 du règlement intérieur de l'Assemblée.