Dimanche, ils étaient à peine une vingtaine à débattre d'un texte aussi important que celui du statut de la magistrature. C'est dire que leurs préoccupations sont ailleurs... Le bureau de l'APN a programmé pour la journée d'hier une plénière à l'adoption du projet de loi relatif à l'urbanisme et à l'exercice du métier de l'architecte. L'absence de quorum (la présence d'au moins 194 députés) a contraint le président de la Chambre basse, Amar Saïdani, à reporter le vote de vingt-quatre heures (le ministre de l'Habitat, pris par des obligations gouvernementales ne pouvait pas revenir au bout de six heures comme l'édicte le règlement intérieur de la Chambre parlementaire). La séance a été consacrée finalement à la présentation d'un projet de loi sur “la promotion des énergies renouvelables dans le cadre du développement durable”. Il semblerait que les parlementaires du FLN, absorbés par les tractations autour du renouvellement des structures qui reviennent au parti (cinq vice-présidences et présidences de six commissions permanentes), ont oublié de rejoindre leur place dans la salle des plénières. Le fait n'est pas inédit. La veille, l'APN débattait de deux importants projets de loi organique, l'une portant sur le statut de la magistrature et l'autre sur le Conseil supérieur de la magistrature. Pourtant, les travées de l'hémicycle Zighoud-Youcef apparaissaient tristement vides. Les quelques dizaines de députés présents cachaient mal un ennui manifeste. Moins de vingt d'entre eux ont fait l'effort de s'inscrire pour le débat général sur des projets de textes, qui engagent une part de l'avenir de la justice dans ce pays. Dans ses réponses aux parlementaires, le ministre de la Justice, Tayeb Belaïz, n'a pas manqué de lancer, presque sur le ton de la moquerie, que les députés n'ont pas vraiment saisi le sens des deux projets qu'il avait présentés quelques heures auparavant. Sans le préméditer, le garde des Sceaux a pointé ainsi du doigt le désintéressement flagrant des députés pour le travail purement législatif. Les rares fois où l'hémicycle a affiché complet, c'était à l'occasion de l'ouverture ou la clôture des sessions, le débat général sur le programme du gouvernement ou dernièrement lors de l'élection du successeur de Karim Younès au perchoir de la première Chambre du Parlement. Ordinairement, c'est à peine si le quorum, quand il est exigé, est atteint. Depuis le début de l'actuelle législature au mois de juin 2002, les membres de l'Assemblée populaire nationale privilégient à outrance le jeu politique sur leur mission de représentants du peuple. À peine deux propositions de loi, l'une a trait à la révision de la loi électorale présentée par le groupe parlementaire d'El-Islah et l'autre du MSP portant sur la levée de l'état d'urgence (rejetée au demeurant par le gouvernement), ont été initiées en deux années de mandature. Les députés ne sont pas non plus prolixes en matière de questions orales, contrairement à leurs collègues de la législature précédente. Plus que jamais, l'APN mérite sa réputation de chambre d'enregistrement. Même durant la parenthèse de “la rébellion” des élus FLN, le gouvernement, et par ricochet le président de la République, n'a pas été véritablement dérangé dans ses desseins. L'opposition, clamée tambour battant par le groupe majoritaire, n'a pas franchi le cap des manifestations de chahut. C'est ainsi que les élus du FLN ont adopté, en septembre 2003, les onze ordonnances du chef de l'Etat, alors qu'ils contestaient, quelques jours auparavant, l'usage abusif du président Bouteflika de ses prérogatives constitutionnelles. C'est à se demander si la principale motivation, qui animait ceux qui se présentaient au mois de mai 2002 aux élections législatives (à quelques exceptions près), ne se réduisait pas à l'ambition d'accéder à un statut qui permet une multitude de privilèges. S. H.