Les partis islamistes algériens ont accueilli l'échec de la tentative du coup d'Etat en Turquie avec beaucoup de soulagement. Pour eux, c'est une victoire de la démocratie et de la légitimité populaire contre la prise de pouvoir de manière autoritaire. S'agit-il d'une position de principe ou c'est parce que le parti qui gouverne en Turquie, le Parti de la justice et de développement (AKP) dirigé par le président Tayyip Erdogan, est issu de la mouvance islamiste ? «Notre position n'a rien à voir avec le parti d'Erdogan. Ce qui nous intéresse, c'est la démocratie et le respect du choix du peuple», répond Naamane Laouer, chef du groupe parlementaire du MSP, joint hier au téléphone. «Nous condamnons la tentative du coup d'Etat pour deux raisons : d'abord, on est avec la légitimité quelle que soit la tendance du parti au pouvoir, ensuite on est contre les coups d'Etat militaires», indique, pour sa part, Lakhdar Benkhallef, cadre du Front de la justice et de développement (FJD), joint par nos soins. Il argue que même les partis de l'opposition turcs ont dénoncé la tentative du putsch. «Loin de là. Nous condamnons cette tentative de coup d'Etat par principe. On est contre les coups d'Etat. D'ailleurs, je suis contre la politique d'Erdogan qui est un élément de la fitna dans la région», affirme, de son côté, Djamel Benabdeslam, président du Front de l'Algérie nouvelle (FAN). Pour ce dernier, même si le président turc a créé un climat propice à la confrontation et au coup d'Etat, en s'attaquant à la démocratie, aux droits de l'homme et à la liberté d'expression, un putsch n'est pas justifiable et ne saurait être toléré ou cautionné. S'il s'agit d'une position de principe, pourquoi alors les partis islamistes algériens ne dénoncent-ils pas les tentatives de renversement du président syrien Bachar El Assad dont le pays est en proie à une guerre civile depuis l'éclatement du «printemps de destruction massive»? «Coup d'Etat contre le peuple» «En Syrie, il y a eu un coup d'Etat contre le peuple qui est sorti pour réclamer la démocratie et la liberté avant d'être réprimé par le régime», soutient Naâmane Laouer, ajoutant que son parti condamne de la même manière ce coup d'Etat contre le peuple en Syrie que la tentative de renversement d'Erdogan en Turquie. «Ce qui s'est passé en Turquie est l'inverse de ce qui s'est passé en Syrie», a-t-il affirmé, insistant sur la nécessité de respecter le choix des peuples. Pour lui, en Turquie il y a un régime démocratique alors qu'en Syrie, c'est un régime «sanguinaire» qui règne. Position partagée par le FJD qui précise que dans les pays arabes les élections sont fabriquées et entachées de fraude. Quid du rôle joué par la Turquie dans l'aggravation de la situation en Syrie ? Selon le chef du groupe parlementaire du MSP, la Turquie soutient le peuple syrien qui veut son émancipation au moment où la Russie et le Hizb Allah libanais soutiennent le régime. Dans un communiqué, le premier parti islamiste en Algérie, le MSP en l'occurrence, a félicité le peuple turc «pour sa victoire face aux velléités de pourrissement, de putsch et d'enlisement» et les «dirigeants turcs pour leur communion avec le peuple». Le président du parti, Abderrazak Makri, estime que l'avortement du coup d'Etat mené par quelques militaires représente une victoire des libertés et de la démocratie et une défaite des régimes qui ne se maintiennent que grâce à la répression. Pour les islamistes, comme l'explique M. Bekhallef, le changement doit intervenir par le biais des élections libres et transparentes. «Nous rejetons les coups de force pour rester au pouvoir comme nous sommes contre les coups d'Etat pour s'emparer du pouvoir», a-t-il dit, plaidant pour des changements pacifiques avec des moyens pacifiques.