Réagissant aux déclarations du DG de la Cnas, les accusant de gonfler les ordonnances, le conseil de l'Ordre des médecins et le Syndicat national de la santé publique relèvent un manque «accru» de coordination entre les mutuelles d'assurances et les structures de santé. Les médecins n'ont pas connaissance des médicaments disponibles sur le marché ni de ceux remboursés. Ce qui cause dans la plupart des cas des abus dans la prescription médicale. Le directeur général de la Caisse nationale de la sécurité sociale (Cnas) avait tiré la sonnette d'alarme sur la hausse sensible des dépenses liées au remboursement des produits pharmaceutiques. Elles sont passées de 166 milliards dinars en 2014, à plus de 176 milliards de dinars pour atteindre 47 milliards de dinars uniquement pour le 1er trimestre 2016. Il a pointé du doigt les médecins qui prescrivent de longues listes de médicaments pour une grippe. «Certains médecins prescrivent jusqu'à 6 médicaments pour une simple grippe. Je leur lance un appel solennel pour nous aider à limiter le recours abusif aux médicaments. Il y va de la santé financière de la caisse et de sa pérennité», a-t-il déclaré. Sollicité à ce sujet, le président du conseil national de l'Ordre des médecins, le Dr Bekkat-Berkani Mohamed, affirme que «le médecin est libre de prescrire le médicament qu'il veut». «La liberté de prescription est un droit», a-t-il martelé. Cependant, reconnaît notre interlocuteur, des abus existent car les praticiens de la santé n'ont pas connaissance des médicaments disponibles sur le marché. «La Cnas ne communique pas sur les produits pharmaceutiques disponibles et ceux remboursables», a-t-il dénoncé. Ce qui amène les médecins à prescrire de longues listes d'ordonnance pour éviter aux malades d'être en manque de médicaments. «Il faut préserver l'équilibre financier de la Cnas mais pas au détriment de la santé des Algériens», a-t-il dit. Dr Bekkat-Berkani pense que l'augmentation des dépenses liées au remboursement des médicaments n'est pas due aux abus des médecins mais au traitement des maladies lourdes, telles que le cancer et le diabète. «Ce sont des pathologies budgétivores qui coûtent très chères à la sécurité sociale. Il faudrait multiplier les campagnes de prévention pour limiter ces maladies à l'avenir», a-t-il prôné. Encadrer la prescription médicale Même son de cloche du côté des médecins généralistes qui dénoncent le manque de coordination entre les mutuelles d'assurances et les praticiens de la santé. «Nous sommes marginalisés. La tutelle et les compagnies d'assurances ne communiquent pas avec nous sur les médicaments disponibles», a regretté le président du Syndicat national des praticiens de santé publique (SNPSP). Il déplore le fait que le médecin soit toujours accusé à tort des maux dont souffre le secteur de la santé. «Ce n'est pas la faute des médecins si la facture des médicaments augmente chaque année», a-t-il lancé, ajoutant : «C'est indécent de la part du DG de la Cnas d'incomber la responsabilité aux médecins alors qu'il est du domaine et il connaît parfaitement les difficultés du métier». Pour lui, les cas d'abus de prescription médicale sont dus à l'absence d'un consensus thérapeutique. «Comme dans tous les pays développés, il faut mettre en place une commission chargée d'orienter les médecins dans la prescription médicale», a-t-il recommandé. Dr Merabet cite, entre autres, l'absence d'un cadre juridique pour restreindre la liberté de prescription médicale. «Il est nécessaire d'encadrer la prescription des médecins», a-t-il souligné. Cet encadrement ne sera possible qu'avec un large consensus entre les différents acteurs du secteur. «Nous sommes mis à l'écart. Ils ne nous ont jamais convoqués pour débattre de la problématique des médicaments. La dernière réunion avec les cadres de la Cnas remonte à l'année 2004», a-t-il dénoncé.