Le champion algérien a su accélérer au bon moment pour dépasser tout le monde, hormis le vainqueur de l'épreuve, un certain David Rudisha. Taoufik Makhloufi en a rêvé, Taoufik Makhloufi l'a fait. Hocine Soltani avait été le premier athlète algérien à remporter deux médailles, une de bronze, en 1992, aux Jeux de Barcelone et une en or, en 1996, aux Jeux d'Atlanta. Makhloufi vient d'égaler ce record à la différence près qu'à sa médaille d'or des Jeux de Londres en 2012, il en a ajouté une en argent en 2016, grâce à sa deuxième place obtenue dans une finale du 800m des Jeux olympiques de Rio de Janeiro que toute l'Algérie attendait. Il faisait presque frisquet lundi soir dans la grande métropole brésilienne. C'est incroyable, d'ailleurs, comment le temps peut changer dans cette ville. Nous avions eu un soleil radieux et une température qui avoisinait les 38 degrés dans la journée, et le soir venu, un vent assez violent a ramené des nuages et leur pluie au point de baisser le thermomètre à 22 degrés. Une pluie torrentielle s'est alors abattue sur le stade olympique, obligeant les organisateurs à tout arrêter pendant une bonne vingtaine de minutes. L'incroyable départ de Kipketer La finale du 800 m messieurs a donc été retardée, ce qui a certainement mis un peu plus de pression sur les huit coureurs. Parmi ces derniers, Taoufik Makhloufi, placé dans le couloir 6 alors que son principal concurrent, David Rudisha, était placé dans le 3. Cette épreuve était faite pour surprendre et le premier coup de semonce nous est venu d'un certain Alfred Kipketer. Ce Kenyan a choisi de foncer devant sans demander son reste. C'est ainsi qu'il a imposé un rythme d'enfer à la course et intrigué tous les autres coureurs. «Je ne m'attendais pas à un tel départ de Kipketer, a déclaré David Rudisha en conférence de presse après la course. Nous étions trois Kenyans et il était entendu que c'était moi qui allais mener les débats. Je vous assure que ce qu'a fait Kipketer m'a également surpris». De son côté, le Français Pierre-Ambroise Bosse, a déclaré en zone mixte qu'il «n'avait pas compris la tactique de Kipketer. Il ne servait pas de lièvre puisque c'était une finale olympique. C'est vraiment étrange». Toujours est-il que le Kenyan a couru le premier 400 m sur les bases d'un record du monde puisqu'il a couvert le tour de piste en 43.03. A titre de comparaison, en finale des Jeux de Londres, quand il avait battu le record du monde de la distance en 1 :40.97, il avait bouclé les premiers 400 mètres en 42.98. Mais l'aventure de Kipketer devait s'arrêter après ce passage aux 400 mètres. L'affaire fut alors prise en main par Rudisha qui ne devait plus lâcher la tête. Le record de Saïd-Guerni battu Et Makhloufi dans tout ça ? Le moins que l'on puisse dire est qu'il a mal démarré la course, puisqu'au bout de 200 mètres, il s'est trouvé relégué à cause du rythme imposé par Kipketer. Mais il a su ne pas s'affoler pour revenir parmi les premiers, juste avant d'aborder le dernier tour. Rudisha étant devant, la bataille se résumait à une lutte pour les deux autres médailles que celle de l'or, à savoir l'argent et le bronze. Pendant un bon moment, on a cru que le Français Bosse avait pris le bon wagon pour la deuxième place derrière l'intouchable Rudisha. De son côté, Makhloufi a eu le mérite de pousser une terrible accélération qui lui a permis d'éliminer pas mal d'adversaires. A la sortie du dernier virage, il a persisté dans son effort au point de supplanter Bosse, qui lui-même allait être dépassé par l'Américain Clayton Murphy. Makhloufi était, alors, animé d'une incroyable volonté de bien faire puisqu'il a fini en trombe ce 800m, ce qui lui a valu de battre, en 1 :42.61, le record d'Algérie qui appartenait à Djabir Saïd-Guerni depuis 1999 en 1 :43.09. De son côté, le vainqueur, David Rudisha, réalisait sa meilleure performance de la saison en 1 :42.13 alors que le troisième, Clayton Murphy, battait son propre record pour finir en 1 :42.93. Il fallait voir la joie de l'Algérien après la course, tombant dans les bras de Rudisha pour se féliciter mutuellement. En zone mixte, nous n'avons pas cessé d'obtenir des félicitations de la part de confrères étrangers pour ce beau résultat, synonyme de première médaille pour l'Algérie dans ces Jeux olympiques. Bien que très pressé après avoir passé beaucoup de temps avec les télévisions, le vice-champion olympique du 800m a bien voulu s'arrêter à notre hauteur pour nous dire quelques mots. «Je savais que je pouvais faire quelque chose. Je ne dis pas que je visais la médaille d'or car, pour moi, Rudisha est intouchable en ce moment. Mon objectif était d'obtenir une médaille. Grâce à Dieu j'ai réussi dans mon entreprise. Je veux dédier cette médaille à ma famille, à ceux qui ont cru en moi et au peuple algérien». «On a cru que j'étais fini» Un peu plus tard, en conférence de presse, aux côtés de Rudisha et de Murphy, Makhloufi a confirmé ce qu'il nous avait dit en zone mixte, à savoir qu'il sera bien sur le 1500m. «Je vais m'aligner sur cette distance avec l'objectif de défendre mon titre olympique. Je sais que ce ne sera pas facile mais je vais tout donner, a-t-il déclaré lors de cette conférence de presse. Au sujet de sa tactique lors du 800m, il a avoué avoir mal démarré. «Je ne m'attendais pas à ce que Kipketer aille aussi vite, a-t-il fait savoir. J'ai été surpris, d'où le petit retard que j'ai eu au début, mais j'ai su revenir avant de boucler les premiers 400 mètres. En fin de course, je me sentais bien, ce qui m'a permis de finir en trombe et de doubler tous les autres coureurs, hormis, bien sûr Rudisha». Prié de nous dire ce qu'il ressentait après cette médaille d'argent, Taoufik Makhloufi reviendra sur les épisodes par lesquels il est passé depuis son succès sur le 1500m des Jeux de Londres. «J'ai vécu des moments difficiles et de douleur. On a cru que j'étais fini et certains ne se sont pas gênés d'aller sur les plateaux de télévision pour m'attaquer. Ces gens-là avaient du temps à perdre alors qu'ils auraient dû s'occuper d'affaires plus importantes. Ce que je remarque, c'est que depuis mon succès de Londres, il n'y a rien eu de fait. Derrière Makhloufi, il n'y a rien, et cela est déplorable. En tout cas, je continue à courir pour mon pays et pour mon peuple et je fais de mon mieux pour les contenter. L'athlétisme n'est pas facile. On doit énormément souffrir pour réussir. Je ne suis pas arrivé à ce niveau sur un coup de dés. J'ai travaillé sans cesse et le fruit de ces efforts, il est là, avec cette médaille d'argent». La conférence de presse a pris fin sur demande du champion algérien qui souhaitait rentrer le plus vite possible vu qu'il avait, le matin, une série du 1500m à courir. Un autre challenge pour Taoufik qui pourrait être celui de l'exploit surdimensionné.