L'Algérie commémore, aujourd'hui, le 55e anniversaire des douloureux massacres de centaines d'Algériens à Paris, le 17 octobre 1961, à quelques mois seulement de la fin de la guerre. Répondant à l'appel de la fédération FLN de France à manifester, en signe de contestation de la décision du préfet de police de Paris, Maurice Papon, d'imposer un couvre-feu aux Algériens, les manifestants ont été torturés, assassinés et jetés dans la Seine. Qualifiés de crime d'Etat, ces massacres hantent jusqu'à aujourd'hui la mémoire collective en France mais aussi en Algérie où l'on milite pour la reconnaissance officielle du crime. L'anniversaire des massacres sera également célébré en France. La ville de Nanterre rendra hommage aujourd'hui aux victimes de la répression, devant la plaque commémorative en face de la préfecture, en présence du maire Patrick Jarry. La commémoration du 55e anniversaire des massacres, qui ne sont pas encore reconnus officiellement par l'Etat français, est mise à profit par le collectif du 17 Octobre 1961 pour réclamer cette reconnaissance. Ce collectif d'associations françaises exige, dans un appel rendu public il y a trois jours, «vérité et justice». Il estime qu'il est temps que le président de la République, au nom de la France, confirme, par un geste symbolique, la reconnaissance et la condamnation de ce crime d'Etat. «55 ans après, la vérité est en marche. Cependant, la France n'a toujours pas reconnu sa responsabilité dans les guerres coloniales qu'elle a menées – en particulier la Guerre d'Algérie –, ni dans le cortège de drames et d'horreurs qu'elles ont entraînés, comme ce crime d'Etat que constitue le 17 octobre 1961», écrit le collectif. Un rassemblement est prévu aujourd'hui au pont Saint-Michel, à Paris. Pour sa part, le militant antiraciste, anticolonialiste, Henri Pouillot, a interpellé le président français, François Hollande, sur ces massacres, lui rappelant son engagement de campagne de reconnaître ce «crime d'Etat». Dans un témoignage répercuté par l'APS, Mohand-Akli Benyounès, président de l'association des moudjahidine de la fédération FLN de France, a expliqué que «les événements du 17 octobre 1961 ont révélé que la démarche de l'administration coloniale française s'est retournée contre celle-ci». Il a insisté sur le caractère «organisé et préparé» de la manifestation pacifique, décidée par le FLN, rappelant que pour les dirigeants du front, il était «hors de question» d'accepter la décision, le 6 octobre 1961, de la préfecture de police d'instaurer un couvre-feu exclusif pour les Algériens. «Cela équivalait à une assignation à résidence dans des chambres d'hôtel», souligne-t-il, précisant que la riposte avait été décidée le 10 octobre à travers une réponse favorable du comité fédéral siégeant en Allemagne, de préparer la manifestation pacifique. Selon lui, la répression de la manifestation s'est soldée par un bilan macabre : 400 manifestants fusillés, dont certains dans l'enceinte même de la cour de la préfecture de police et pas moins de 12 000 interpellations, dont 9000 manifestants relâchés alors que sur les 3000 gardés dans les locaux de la police, la moitié environ a été renvoyée «au douar d'origine». De son côté, Ali Haroun, ancien membre dirigeant de la fédération du FLN de France, a estimé que la décision du couvre-feu tendait à soumettre les Algériens à «un régime discriminatoire de caractère raciste, les livrant encore plus complètement aux visites domiciliaires des harkis et aux rafles des policiers». Abordant les répercussions politiques des journées d'octobre, Ali Haroun, interrogé par l'APS, cite le compte-rendu de La revue, de Jean-Paul Sartre, qui avait écrit : «Les juifs parqués au Vél d'Hiv sous l'occupation étaient traités avec moins de sauvagerie par la police allemande que ne le furent, au Palais des sports, par la police gaulliste, les travailleurs algériens.»