Le grand écrivain haït-canadien, membre de l'Académie française, Dany Laferrière, a été invité par le ministère de la Culture dans le cadre du 21e Sila. L'académicien a donné une conférence avant-hier dans laquelle il a parlé du rapport de la vie avec la littérature, de l'Académie française avec une grande ouverture d'esprit tout en évoquant un peu son vécu, ses premiers romans devant une assistance des plus attentives. C'est avec une grande simplicité que Dany Laferrière a rejoint sur l'estrade du Sila le modérateur de cette rencontre, Ameziane Ferhani. L'orateur a, d'emblée, mis l'accent sur sa vocation de romancier, chose qu'il considère comme l'une des plus belles au monde. «Ce qui m'intéresse, c'est de trouver les traces de la vie dans la littérature, du moins la mienne. Un écrivain doit être avant tout attentif et patient au monde qui l'entoure. Une qualité qu'hélas, les gens ont perdue. On vit dans un monde où seule la mode prime. Quand on me demande : c'est quoi, mon actualité, je réponds que c'est d'être vivant», a souligné Dany Lafferrière. Et de poursuivre : «Quant vous faites de la littérature et que des gens que vous ne connaissez pas vous connaissent et vous aiment, pour moi, c'est plus que fabuleux car c'est une grande part de vous qu'ils aiment au final». L'auteur de Comment faire l'amour avec un nègre sans se fatiguer a ensuite évoqué son enfance heureuse qu'il passa auprès de sa grand-mère à Petit Goave, à Haïti. Elle lui inspira plus tard, en 1990, son premier roman L'Odeur du café. Auteur d'une immense œuvre remarquable, Dany Lafferrière est le deuxième membre après Julien Green (américain) à avoir intégré l'Académie française sans posséder la nationalité française. Il taxera par la suite la prestigieuse institution française ‘'d'auberge espagnole'': «Tout le monde a un avis sur l'Académie française. Ses membres donnent l'impression qu'ils sont immortels…alors qu'ils ont simplement du temps et l'âge à l'Académie française n'est pas innocent. Quand on y entre, on est très content. Le premier jour, tous ses membres se lèvent pour vous, et là on vous dit qu'on ne se lèvera que deux fois pour vous, le jour de votre entrée et celui de votre mort. Or, je n'ai jamais été déçu par la mort. Je considère que ce n'est pas courtois de ne pas mourir. Alors, quand vous entendez cela, vous prenez conscience que l'espace de vie entre votre entrée et la mort s'appelle l'immortalité, et cela me semble d'une extraordinaire ironie», a-t-il soulevé. Par ailleurs, Dany Lafferrière a souligné que depuis 1635 (année de la création de l'Académie par le cardinal Richelieu), aucun membre de l'Académie française n'a assisté à deux éditions du dictionnaire littéraire de cette institution, qui se fait chaque 40 ans. «Contrairement à ce que pensent les gens, on n'invente pas de nouveaux mots à l'Académie, on fait simplement leurs usages. Quand un mot suscite le doute, du simple fait qu'un membre dise que François Rabelais l'a employé par exemple, ce mot ne sera pas marginalisé, aura sa place dans le dictionnaire et permettra aussi de lire du Rabelais pour un long moment». Le conférencier dira dans ce sens que les mots répondent à leur temps, à des sonorités spécifiques. «L'actualité, c'est la vie, et les mots viennent de la vie, de la rue, non pas d'un dictionnaire ou d'un académicien. Et les enfants sont les plus grands fabriquants de mots…», a-t-il conclu.