Les déclarations plus que significatives du diplomate algérien Lakhdar Brahimi en faveur l'ouverture des frontières entre l'Algérie et le Maroc relancent le débat sur la nécessité, voire l'urgence de dépasser les clivages et la guerre des mots qui ont envenimé les relations entre les deux pays. Intervenant dans un contexte particulier, au lendemain d'un «forcing» marocain pour son retour au giron africain qu'est l'UA, au détriment du Sahara occidental et avec tous les jeux de lobbying qu'on sait, les déclarations de l'ex-ambassadeur algérien, peuvent être expliquées par la nécessité de revenir au «Grand Maghreb» comme entité régionale, mais peuvent surtout s'interpréter comme un «appel officiel» en direction du voisin marocain qui multiplie ces dernières années ses attaques contre l'Algérie qui ne conditionnent pas, du moins en propos, la réouverture des frontières à la question sahraouie. Lakhdar Brahimi, pour qui c'est justement ce conflit qui «est derrière le gel des relations algéro-marocaines», estime que cette «querelle» n'est «d'aucune utilité pour le Maghreb et encore moins pour l'Algérie et le Maroc». D'autant que, juge-t-il, les deux pays qui partagent un passé, une histoire et une culture communs ont intérêt à regarder dans la même direction et faire face ensemble aux défis nombreux, notamment sécuritaires. C'est justement par une «question sécuritaire» que le conflit a éclaté. En 1994, au lendemain de l'attentat de Marrakech, le Maroc a accusé l'Algérie d'avoir orchestré l'attaque et a pris la décision d'imposer le visa aux ressortissants algériens. L'Algérie a appliqué alors «le principe de réciprocité» en fermant la frontière. Bien qu'il y eut par la suite de petits gestes pour dégeler les relations entre les deux voisins - le Maroc ayant levé en 2004, l'obligation de visa d'entrée et l'Algérie a procédé une année après à la même décision - presque rien n'a changé. L'on espérait, après le décès du roi Hassan II, sous le règne duquel les relations entre les deux pays étaient tendues, qu'avec la reprise du trône par son héritier le roi Mohamed VI, qu'une page nouvelle allait être ouverte. À commencer, par exemple, par la redynamisation d'une Union du Maghreb arabe (UMA), un projet mort-né. Vœu pieux. C'est sous son règne que les rapports entre l'Algérie et le Maroc se sont envenimés davantage. Et c'est encore le conflit sahraoui qui plombe et empoisonne les relations entre les deux pays. Un Maroc aidé par ses alliés occidentaux, la France notamment, qui fait de «la marocanité» du Sahara occidental son cheval de bataille, accusant notre pays de «manipulation» des Sahraouis, allant même jusqu'à considérer les camps des réfugiés de Tindouf de «camps de concentration», et l'Algérie qui met en avant les résolutions onusiennes et le droits des Sahraouis à l'autodétermination. Les deux pays sont même allés jusqu'à construire des murs aux frontières. Pour l'un, c'est «pour éloigner la menace terroriste», pour l'autre, afin de «lutter contre le trafic de drogue». Des réponses du «tac au tac» peu convaincantes, dans la mesure où, pour des raisons bien plus profondes, les deux pays se font à distance une course effrénée vers l'armement. S'il est vrai que la question de la réouverture des frontières, vivement souhaitée des deux côtés, doit s'inscrire dans un cadre «progressif et global» qui ne doit en aucun cas, comme le préconisait l'ex-ambassadeur Abdelaziz Rahabi, être le préalable à la normalisation entre les deux pays, il demeure qu'il faut avant tout mettre de côté les velléités guerrières. Sur la question sahraouie, ou tout autre problème qui peut constituer un obstacle à un nouveau départ. Le Maroc, qui nous a fait «la guerre des sables» avant d'accepter «l'accord de Rabat» de 1972 (ratifié en 1973 par l'Algérie et en 1992 par le Maroc), n'est, au fond, pas d'accord sur le tracé frontalier hérité de l'ère coloniale. Il le remet souvent d'ailleurs au goût du jour à chaque fois qu'il le juge nécessaire, à travers des officiels ou du parti El Istiqlal qui revendique Tindouf, Béchar, Kenadsa… Le vrai «Istiqlal» pour les deux peuples algériens et marocain, est que, cette fois-ci, leurs gouvernants fassent non pas la guerre des sables mais la «paix durable». Repères 1994 : Décision unilatérale du Maroc d'imposer le visa aux Algériens suite à l'attentat de Marrakech imputé maladroitement à l'armée algérienne. 1994 : L'Algérie réagit à l'instauration du visa pour les ressortissants algériens en fermant la frontière terrestre. 31 juillet 2004 : Le Maroc décide la suppression des formalités de visa aux Algériens voulant s'y rendre. 2005 : L'Algérie supprime à son tour le visa d'entrée aux ressortissants marocains. 2016 : En dépit de plusieurs appels, la frontière terrestre entre les deux pays reste fermée.