Les déclarations d'Emmanuel Macron qualifiant le colonialisme de «crime contre l'humanité» et de «vraie barbarie» a suscité diverses réactions en France et en Algérie. Des propos qui ont provoqué un véritable tollé à la droite et à l'extrême-droite françaises, estimant que l'endroit d'où elle est prononcée, à savoir Alger, n'était pas «propice». La qualification, ensuite, de «crime contre l'humanité» n'était pas «judicieuse», selon eux. Cette expression donne une coloration juridique aux déclarations de Macron. Le crime contre l'humanité est imprescriptible : prise au sens juridique du terme, la déclaration de Macron ouvrirait la voie à de possibles poursuites judiciaires ou à des réparations, alors que la France refuse de reconnaître ses crimes commis en Algérie. En choisissant de condamner la colonisation française en Algérie et de présenter des excuses, le candidat d'En Marche recule dans les intentions de vote, selon un sondage OpinionWay. Macron perd du terrain dans tous les segments de l'électorat. Une chute qui fait écho à ses déclarations jugées de «polémiques». Hostilité des harkis et des militants FN Les réactions sont vives de la part de certaines parties françaises. Les militants du Front national, les harkis et les pieds noirs n'ont pas pu digérer qu'on puisse reconnaître les crimes contre l'humanité, de la France commis contre les Algériens et surtout que des excuses soient présentées, par un «officiel» français et de surcroît depuis Alger. Lors de sa visite vendredi à Toulon au sud de la France, le leader d'En Marche a été rattrapé par la polémique née de ses propos sur la colonisation. Quelques dizaines de manifestations ont dénoncé ses propos. Il s'agit de représentants de pieds-noirs et de harkis. Depuis qu'il a qualifié la colonisation française en Algérie de «crime contre l'humanité», Emmanuel Macron qui s'est attiré les foudres de l'ensemble de la classe politique en France, notamment de l'extrême droite, s'est abstenu de verser dans le mea culpa. Une trentaine de manifestants, dont la plupart étaient des militants FN, ont décidé de venir perturber la conférence de presse qu'il tenait à Carpentras (Vaucluse). N'en déplaise, Macron a campé sur ses positions. Il a expliqué que «(…) c'est mon droit de tenir un discours de vérité historique. Nous pouvons aujourd'hui, dans une société démocratique adulte, avoir cette exigence. Si nous l'abandonnons, alors nous rentrons dans le simplisme du discours, alors nous rentrons dans des discours manichéens», a-t-il martelé. «C'est mieux de dire les choses. D'assumer les polémiques quand il y en a. Quand j'ai créé des polémiques par des mots qui sont parfois des mots justes, mais qui peuvent blesser, j'ai toujours assumé» avait-il ajouté. Pourtant, Macron n'est pas le premier candidat à l'Elysée à brandir la carte du colonialisme, lors de sa campagne électorale. Ses prédécesseurs Nicolas Sarkozy et François Hollande avaient reconnu les crimes et les affres infligés par la colonisation aux Algériens. En Algérie, Sarkozy avait reconnu, rappelons-le, et parlé de «fautes et de crimes impardonnables», tandis que son successeur avait dénoncé «les souffrances que la colonisation a infligées au peuple algérien». Seules différences entre ces deux hommes et Macron, tous deux ont refusé de faire repentance ou de présenter des excuses contrairement au candidat d'En Marche. Les Algériens partagés La classe politique algérienne semble partagée sur la portée des déclarations de Macron. «C'est à prendre avec des pincettes. Il s'agit simplement de déclarations d'un candidat à la présidentielle qui cherche à attirer un électorat issu de la migration», dénoncent certains, tandis que d'autres «espèrent qu'il s'agit de prise de conscience et que la France finira par faire des excuses aux Algériens et les indemnisera». Moussa Touati, président du Front national algérien (FNA), estime que Macron «n'est que candidat et veut obtenir un soutien matériel de l'Etat algérien pour sa campagne. On verra ce qu'il fera s'il sera élu président», dit-il. Pour le RND et le MSP, les déclarations d'Emmanuel Macron constituent «une avancée sur le plan de la mémoire». «On espère que ces déclarations se transforment en programme (politique) notamment pour indemniser les Algériens qui ont été victimes du colonialisme». L'Organisation des enfants de chouhada partage le même avis. «Les déclarations de Macron sont une reconnaissance des crimes atroces commis par la France en Algérie». Bernard Kouchner: «La France doit reconnaître ses crimes en Algérie» L'ex-ministre des affaires étrangères français, Bernard Kouchner, a ouvertement soutenu les propos du candidat à la présidentielle Emmanuel Macron qui avait qualifié lors de sa visite à Alger mardi dernier, la colonisation française en Algérie de «crime contre l'humanité». Dans une interview accordée au journal Al Qods Al Arabi, publiée dans l'édition de samedi, l'ex-ministre socialiste français a exprimé son soutien à Macron. Il a estimé que la France a bien commis «des crimes horribles en Algérie» durant la colonisation et qu'elle doit le «reconnaître» parce qu'il y a «des faits et des événements qui ne peuvent être démentis». Interrogé sur les deux poids, deux mesures de la France qui instaure une loi concernant le génocide arménien et qui refuse de faire la même chose pour l'Algérie, Kouchner dit partager cette remarque. «La France n'a pas le courage de reconnaître ce qu'elle a commis comme crimes durant la période coloniale», a-t-il souligné. «Les gouvernements qui se sont succédé n'ont pas eu le courage nécessaire de faire cela. Et si elle l'avait fait, cela aurait participé à l'amélioration des relations entre les deux pays», a-t-il ajouté. Pour lui, les différents gouvernements français n'ont pas eu le courage de fermer ce dossier définitivement.