Hasard du calendrier; c'est à la veille de la commémoration du 72e anniversaire des massacres du 8 mai 1945 à Sétif, Guelma et Kherrata, que Emmanuel Macron a été élu président de la France. Celui qui, il y a deux mois – lors de sa visite en Algérie – avait «osé» qualifier la colonisation de «crime contre l'humanité» sera mis à l'épreuve tout au long de ce quinquennat. «C'est un crime. C'est un crime contre l'humanité. C'est une vraie barbarie et ça fait partie de ce passé que nous devons regarder en face en présentant aussi nos excuses à l'égard de celles et ceux vers lesquels nous avons commis ces gestes», a-t-il lancé sans hésitation dans une interview accordée à nos confrères d'Echourouk News. En prenant le «risque» de se démarquer des lignes de ses concurrents, Macron est conscient du capital sympathie que cette déclaration pourrait lui attirer auprès de la communauté algérienne. Va-t-il joindre l'acte à la parole, en condamnant les crimes coloniaux ? Va-t-il faire du dossier de la repentance un de ses priorités, à même d'exorciser le passé colonial tumultueux entre les deux pays ? Les relations entre Alger et Paris, qui depuis l'indépendance ont évolué en dents de scie, vont-elles connaître une amélioration, d'autant plus que le nouveau premier locataire de l'Elysée avait lors de son escale à Alger affiché ses intentions en faveur de relations détenues et mutuellement bénéfiques. Mais, Macron va-t-il convaincre ses adversaires politiques du bien fondé de sa démarche qui constitue en réalité la continuité de celle de son prédécesseur. En 2012, François Hollande avait, notamment, dénoncé devant l'APN un système colonial «injuste et brutal», reconnaissant également «les souffrances que la colonisation a infligées au peuple algérien». Ce qui ne fut pas du goût des nostalgiques de «l'Algérie-française», à commencer par la candidate du Front national qui a bondi de son siège en entendant Macron réitérer sa position par rapport à la colonisation lors du grand débat. Faisant les yeux doux à l'électorat d'extrême droite, François Fillon avait trouvé «scandaleux» les déclarations d'Emmanuel Macron, tout en considérant que la rafle du Vel d'Hiv est «un crime de l'Etat français». Une hypocrisie qui a de tout temps caractérisé la classe politique française. Pourtant, Nicolas Sarkozy, ancien président de Les Républicains avait qualifié en décembre 2008, à partir de Constantine, d' «impardonnables» «les fautes et les crimes du passé colonial français en Algérie». A noter que des diplomates en poste en Algérie, à l'image des ambassadeurs Hubert Colin de Verdière et Bernard Bajolet avaient ouvert la voie vers la repentance. Alors que le premier avait qualifié, à partir de Sétif, la répression des manifestations du 8 mai 1945 de «tragédie inexcusable», Bajolet a reconnu la «très lourde responsabilité des autorités françaises de l'époque» dans les massacres du 8 mai 1945. En somme, toutes ces déclarations n'ont pas été aussi tranchantes que celles d'Emmanuel Macron qui pour la première fois a brisé le tabou. L'heure est aux actes...