Le bout du tunnel est à quelques heures seulement. La lumière sera enfin visible, sauf que l'opacité colorera, selon la défense, ses rayons pendant longtemps encore. Pour la dernière journée du procès, trois avocats se sont succédé à la barre, où un brossage général a été fait du déroulement de ce procès qualifié par la défense d'«inéquitable». Maître Senouci est revenu sur les 1957 chèques objet de poursuite, qu'il a qualifiés d'arme du crime. «Puisque l'arme du crime n'existe pas, comment le crime peut-il exister ?», s'est interrogé l'avocat. Avant d'ajouter : «Nous pensons vraiment, et c'est un sentiment très profond, que les chèques sont fictifs, sinon comment expliquer que la justice algérienne, qui veut se rehausser, n'apporte pas de preuves tangibles pouvant inculper un accusé ?» Maître Senouci a regimbé contre vents et marées en brandissant un tableau de photos des sociétés bien réelles de Achour Abderrahmane. «Ce sont bel et bien des photos qui démontrent d'une manière très claire que mon client possède ces sociétés, et la fiction n'existe que dans l'esprit de ceux qui ont voulu, et réussi, à nuire à Achour. Regardez, monsieur le président, des camions et des engins libellés du slogan et du nom de la société Transport bleu et voici des photos du siège et des autres sociétés de mon client ; même un aveugle peut les voir.» L'album de famille des sociétés de Achour a été mis à la disposition du tribunal afin de constater de visu l'existence réelle du groupe Achour Abderrahmane. L'autre point, culminant, soulevé par l'avocat est le rapport «très positif» des services des impôts. A ce propos, maître Senouci lancera tout de go : «6000 milliards de centimes, c'est la somme payée par mon client Achour aux services des impôts. Cela aussi est-il fictif ? Ces services demandent-ils aux entreprises fictives de payer ? Les documents sont là.» La somme dilapidée représente, selon maître Senouci, un tiers du chiffre d'affaires de Achour Abderrahmane. L'autre avocat de Achour a mis l'accent sur l'aspect juridique. Dans son chapitre procédure pénale, il dira : «Toutes les affaires similaires à l'affaire Achour Abderrahmane sont traitées par des tribunaux correctionnels, comme par miracle, ou sinon il y a des textes de loi que nous ignorons qui ont fait que le procès Achour Abderrahmane soit programmé en session criminelle.» Et de renchérir : «C'est un procès hors du commun et hors norme, c'est un scénario hollywoodien.» Avant de quitter la salle, la composante du tribunal, et à sa tête le président, a demandé aux accusés de dire un dernier mot, lesquels se sont exprimés dans la grande majorité pour l'acquittement. Achour a monopolisé la parole pendant cinq minutes afin de rendre publiques ses dernières volontés : «Je suis très confiant car je n'ai rien à me reprocher, je demande à la justice de m'innocenter et de pouvoir continuer à gérer mes affaires, et ce, pour le bien de mon pays.» Et de nuancer : «Si la justice me condamne, je demande les circonstances atténuantes !»Une demande qui n'a pas échappé au président du tribunal qui a commenté : «Un innocent ne demande pas les circonstances atténuantes ya si Achour.» Le magistrat a procédé ensuite à la lecture de l'article 307 du code de procédure pénale qui stipule : «La loi ne demande pas compte aux juges des moyens par lesquels ils se sont convaincus ; elle ne leur prescrit pas de règles desquelles ils doivent faire particulièrement dépendre la plénitude et la suffisance d'une preuve ; elle leur prescrit de s'interroger eux-mêmes dans le silence et le recueillement et de chercher, dans la sincérité de leur conscience, quelle impression ont fait sur leur raison les preuves apportées contre l'accusé et les moyens de sa défense. La loi ne leur pose que cette question qui renferme toute la mesure de leurs devoirs : ‘‘Avez-vous une intime conviction ?''» Car la cour criminelle n'est pas fondée sur un texte de loi mais sur la conviction et la conscience personnelle du juge, des conseillers et des assesseurs.