A entendre les fuites organisées sur les consultations entreprises par l'ex-, et, sans doute, futur Premier ministre, Abdelmalek Sellal, avec les partis politiques, on serait tenté de conclure que la messe est dite. Il ne reste plus que l'onction islamiste du MSP pour bénir le prochain gouvernement post-législatives. On a parlé de gouvernement de «consensus», voire «d'union nationale», mais il n'y aura rien de tel si l'on se fie au casting de Sellal. Politiquement, cela a un sens. Un message. L'Algérie n'est pas en crise, et le modeste taux de participation aux législatives ne disqualifie pas pour autant les partis coalisés autour du programme du président. Ceux qui pariaient sur une soudaine prise de conscience sur les réalités économiques, politiques et sociales sont renvoyés à leurs petits calculs et leur naïveté. Il y a bien une certaine cohérence dans cette attitude du pouvoir. Droit dans ses bottes, il pense être capable de redresser la barre avec ses hommes et ses idées sans avoir à faire les yeux doux aux autres segments politiques, notamment ceux de l'opposition. Il a bien sûr le droit d'avoir cette attitude de choisir avec qui il veut gouverner. C'est légal et c'est légitime dès lors qu'il fait une lecture de la situation du pays nettement moins dramatique qu'elle n'est décrite par ses contempteurs. On espère tous qu'il aura raison à l'épreuve du terrain. En politique, il n'y a, en effet, pas de place aux sentiments bien que le bilan du gouvernement sortant soit moins clinquant mais surtout pas très rassurant à moyen terme, alors même que toutes les prévisions tablent sur une complexification de la crise. Cette façon de faire du pouvoir s'apparente à un défi politique de réussir le pari quoi qu'il advienne. Et réussir, c'est bien plus qu'assurer le lait et le pain aux Algériens. Réussir, c'est faire les réformes économiques coûteuses mais nécessaires pour donner du contenu et du sens à ce barbarisme qu'est la «diversification de l'économie». Réussir, c'est inverser les courbes du chômage et de l'importation. Réussir, c'est refonder l'économie sur des bases plus saines où le contrat de performance doit être la règle et non pas l'exception. Réussir, c'est aligner des chiffres fiables et vérifiables et non pas des discours soporifiques truffés de vœux et d'arguments creux. Si le pouvoir n'est pas obligé de tenir compte des résultats des élections d'un point de vue politique pour élargir le consensus national, il est en revanche comptable devant le peuple qui n'a pas voté pour une raison ou une autre. Il serait dommage de ranger cette désaffection dans la rubrique des pertes et profits. Le message populaire est pourtant d'une clarté limpi-de : il faut changer de politique et, si possible, les hommes aussi. Repartir pour un tour avec le même attelage gouvernemental ne garantit pas de bons résultats, les mêmes conditions produisant les mêmes effets. Le quatuor FLN-RND-TAJ-MPA, qui constitue les béquilles politiques du pouvoir, est-il en mesure d'enclencher une dynamique positive ? Ce bloc, déjà vu à l'œuvre, est-il capable de nous sortir du cercle vicieux économique pour nous projeter dans un cercle plus vertueux ? Il y a toutes les raisons de mettre des points de suspension… Mais on ne peut pas le condamner ici et maintenant bien qu'il ait été coupable d'immobilisme, de manque d'anticipation et d'audace durant ces dernières années. Le pouvoir va faire son choix et il faut le respecter. Mais il doit l'assumer. Il appartient au nouveau gouvernement de Sellal de nous choquer, agréablement cette fois, si possible. Que demande le peuple !?