Diplomate chevronné, polyglotte et cumulant une expérience indéniable sur le plan international, Lamamra a fini pourtant par perdre du terrain au profit de son rival direct, Abdelkader Messahel. Ce dernier, nommé jeudi passé ministre des Affaires étrangères, régnera en maître absolu au palais des Anassers, désormais débarrassé d'une bipolarité qui semble avoir montré ses limites. De tous les changements opérés dans l'ancienne équipe gouvernementale, celui ayant touché les AE est peut-être le moins surprenant. Le départ de Lamamra était dans l'air depuis déjà un certain temps. Ses apparitions publiques de plus en plus limitées et ses interventions réduites sur les grands dossiers ont fini par ne laisser aucun doute sur son prochain remplacement. Et c'est arrivé. Le désormais ex-ministre d'Etat des Affaires étrangères Ramtane Lamamra, nommé à ce poste en 2013, après avoir officié plus de dix ans en tant que commissaire de l'Union africaine à la Paix et la Sécurité, a dû peu à peu s'effacer devant la pression permanente de Messahel. Voilà quelques mois déjà qu'Abdelkader Messahel se présente comme le véritable patron de la diplomatie algérienne. Particulièrement entreprenant sur les dossiers libyen et malien, Messahel a su habilement se placer sous les feux des projecteurs et préparer l'ultime promotion. «Le système algérien est très opaque pour se faire une idée claire et précise. M. Messahel et M. Lamamra sont deux personnalités qui ont montré une excellente maîtrise de leur domaine. Le point positif est d'avoir mis fin à une diplomatie à deux têtes. Les rivalités bureaucratiques font beaucoup de mal», estime Tewfik Hamel, politologue (lire l'interview ci-après). «Les dossiers lourds de la diplomatie algérienne sont tous passés aux mains de Messahel. Plus offensif sur les questions libyenne et malienne particulièrement, étant ministre des Affaires africaines, maghrébines et de la Ligue arabe, Abdelkader Messahel a fini par faire de l'ombre à son rival et à obtenir les grâces du cercle présidentiel», analyse pour sa part un spécialiste des relations internationales. Loin de remettre en cause les compétences de Lamamra, cet enseignant en relations internationales n'exclut pas que la nomination de Messahel soit intervenue après un bras de fer entre les deux hommes. «Des luttes internes ont sans doute été longues et houleuses avant que Lamamra ne cède sa place. Ce dernier a mené un travail exceptionnel. Il a en quelques années réussi à remettre sur les rails la diplomatie algérienne alors qu'elle était terne, molle et sans couleurs sous le règne calamiteux de Mourad Medelci. Lamamra est un technocrate qui a fait toute sa carrière dans la diplomatie. Son éviction reste un mystère. Pourquoi se passer de ses compétences ?», s'interroge encore notre interlocuteur. Les défis qui se posent à la diplomatie sont aujourd'hui multiples. Des corrections doivent être menées sur plusieurs aspects afin d'espérer pouvoir peser sur les grandes questions d'actualité régionales et internationales. Et sur ce plan, beaucoup reste à faire, enchaîne notre vis-à-vis. «L'Algérie a été affaiblie économiquement, la maladie du président a également affecté la diplomatie algérienne. Les récents changements dans l'UA montrent son recul. Ramtane Lamamra a fait ce qu'il a pu. Il faut désormais renforcer la coopération avec les pays africains, ce que l'on a négligé trop longtemps. Sur le dossier libyen, il faut rester intraitable, il y va de la sécurité même de notre pays. Idem pour ce qui est du Mali».