Mis au ban depuis le 5 juin, le Qatar est sommé par ses voisins, à leur tête l'Arabie saoudite, de satisfaire à une requête de 13 points, dont la fermeture pure et simple de la chaine Al- Jazeera accusée de rouler pour les Frères musulmans, s'il veut «sortir de la crise». L'Arabie Saoudite, les Emirats arabes unis, Bahreïn et l'Egypte ont effet transmis au Qatar, avec lequel ils ont rompu leurs relations diplomatiques et économiques le 5 juin, une liste de treize requêtes présentées comme autant de conditions à une sortie de crise. Dans ce texte, les quatre pays demandent notamment à l'émir cheikh Tamim ben Hamad al-Thani de fermer la chaîne de télévision Al-Jazira, accusée de relayer la propagande de la confrérie des Frères musulmans, et de réduire ses relations avec l'Iran chiite, rival régional du royaume saoudien. Les quatre Etats réclament également la fermeture d'une base militaire turque au Qatar, mais aussi l'extradition de toutes les personnes considérées comme «terroristes». Ils donnent dix jours à Doha pour obtempérer aux requêtes, transmises par le biais du Koweït, qui joue un rôle de médiateur dans le différend. Riyad et ses alliés du Golfe, ainsi que l'Egypte et le Yémen, ont rompu leurs relations diplomatiques avec l'émirat gazier, qu'ils accusent de «soutenir des organisations extrémistes [qui] cherchent à déstabiliser la région», puis fermé toutes leurs frontières aériennes, maritimes et terrestres. S'agissant d' Al-Jazeera, la demande concerne tout le groupe et non pas seulement la chaîne en arabe, l'une des plus regardées dans les pays musulmans. Ces demandes sont d'autant moins une surprise que Le Caire et Riyad critiquent depuis longtemps la tribune que représente à leurs yeux pour les mouvements islamistes la chaîne, lancée en 1996. Il est également exigé de Doha qu'il cesse de financer les sites d'informations Arabi21 et Middle East Eye. La plupart des demandes formulées par les voisins du Qatar semblent inacceptables, au-delà de l'humiliation qu'elles constituent. Pour faire face au blocus, Doha a en effet bénéficié ces dernières semaines de l'aide alimentaire apportée, par voie aérienne, de l'Iran et la Turquie. Encore une fois, les Etats-Unis, qui «tirent les ficelles» de cette nouvelle «guerre du Golfe» ne sont jamais loin. Ils tentent d'un côté d'apporter une supposée aide à une sortie de crise, tout en enfonçant le clou de l'autre. Le président américain Donald Trump affiche une position sévère à l'encontre du Qatar, qu'il accuse d'être un parrain «à haut niveau» du terrorisme, mais il a aussi offert son aide aux parties impliquées pour résoudre leurs divergences. Quant au département d'Etat américain, il s'est dit «abasourdi», mardi, que les pays arabes qui ont rompu leurs relations avec Doha n'aient fourni aucune preuve à l'appui des accusations de soutien au terrorisme lancées contre l'émirat pour justifier son isolement. Le secrétaire d'Etat Rex Tillerson a invité le lendemain les pays arabes impliqués dans la crise à remettre à l'émirat leurs doléances afin de normaliser la situation. Il avait annoncé mercredi la prochaine soumission de la liste au Qatar, soulignant qu'il espérait qu'elle serait «raisonnable et réalisable». La médiation qui lui a été confiée s'annonce difficile. La fin de la «nouvelle guerre du Golfe» n'est pas pour tout de suite. Manifestations en Iran pour la «Journée d'El Qods»: Les manifestants crient «mort aux Al Saoud» Des slogans hostiles à la famille régnante saoudienne et au groupe terroriste Daech ainsi que les traditionnels «mort à Israël» ont été entendus hier lors des manifestations organisées à travers l'Iran pour la «Journée de Jérusalem». «La Journée d'Al-Qods» (Jérusalem en arabe) est célébrée tous les ans en Iran depuis la révolution islamique de 1979 pour soutenir la cause palestinienne. Elle est également suivie par les alliés de Téhéran au Moyen-Orient. Cette journée intervient cette année dans un contexte de guerre d'influence entre les deux poids lourds de la région, l'Iran chiite et le royaume saoudien sunnite, qui ont rompu leurs relations diplomatiques en janvier 2016. «Mort à la maison des Saoud (famille régnante à Riyad) et à Daech», «mort à Israël» ou «mort aux Etats-Unis», pouvait-on entendre lors des manifestations. L'Iran est engagé dans la lutte contre le groupe ultraradical Daech en Irak et en Syrie, à travers des milices qu'il a entraînées et conseillées. Les Gardiens de la révolution iraniens, l'armée d'élite du régime, ont tiré dimanche six missiles contre des bases de l'EI à Deir Ezzor, dans l'est de la Syrie. Ils ont affirmé avoir agi en représailles à deux attentats meurtriers perpétrés le 7 juin contre le Parlement et le mausolée de l'imam Khomeiny à Téhéran, qui avaient fait dix-sept morts. Il s'agissait des premières attaques revendiquées par Daech en Iran. Hier, les Gardiens de la révolution ont exposé sur la place Vali-Asr à Téhéran un missile longue portée Qadr et deux missiles de moyenne portée Zolfaghar. Le programme balistique de l'Iran inquiète Washington qui lui a imposé des sanctions à ce sujet. Certains manifestants ont brûlé des drapeaux israéliens et américains, quand d'autres portaient un cercueil recouvert de la photo du président américain Donald Trump. Le président de l'Assemblée Ali Larijani s'est adressé à une foule d'Iraniens à Téhéran, qualifiant Israël de «mère du terrorisme». Le président modéré Hassan Rohani, récemment réélu, a rejoint le cortège de manifestants dans la capitale et critiqué les nouvelles sanctions américaines prévues par une loi votée la semaine dernière au Sénat. «La nation iranienne veut dire à l'Amérique que le gouvernement leur répondra avec détermination et ils (les Iraniens) poursuivront le chemin qu'ils ont choisi», a-t-il déclaré à la télévision d'Etat. Le Sénat américain a voté à une écrasante majorité une loi pour adopter de nouvelles sanctions contre l'Iran, notamment en raison de son «soutien à des actes terroristes internationaux» et de son programme de missiles balistiques.