Encore une fois, Abdelmadjid Sidi Saïd a réussi à engager son syndicat en cosignant, mardi, au nom de l'UGTA, et avec les organisations patronales, un communiqué qui vole au secours de Ali Haddad, chef capitaliste honni par l'opinion publique. Ceci au moment où le nouveau Premier ministre fait un geste de salubrité et adresse des mises en demeure au puissant groupe Haddad, pour terminer les chantiers stratégiques dont il a la charge et qui traînent impunément depuis des années, à l'image des travaux de réfection de l'autoroute Est-Ouest. Un syndicat qui s'allie avec la classe dominante contre l'initiative d'un gouvernement qui défend les intérêts de la nation. On aura tout vu ! Même en doutant de la sincérité de Abdelmadjid Tebboune, la position de Sidi Saïd n'est pas justifiée. Depuis l'affaire Khalifa, et cette semaine encore, Aïssat Idir et Abdelhak Benhamouda doivent se retourner dans leurs tombes de douleur de voir l'organisation qu'ils ont fondée et à laquelle ils ont inculqué des valeurs nobles s'acoquiner aussi bassement avec l'ennemi de classe et devenir un syndicat jaune qui sert contre les intérêts des travailleurs. Certes, l'UGTA n'est plus qu'une coquille vide, appareil satellite du pouvoir en place et de la promotion des mandats successifs de Bouteflika. Certes les postures de l'UGTA, depuis 2002, sont marquées par l'empreinte du secrétaire général impliqué directement dans le scandale Khalifa et blanchi en contrepartie d'une soumission totale au plus fort. Mais la direction du syndicat n'a jamais manifesté une quelconque révolte contre cette «prise d'otage», cédant définitivement au confort des privilèges accordés généreusement par le pouvoir corrupteur et rentier, d'où la disqualification de toute l'organisation. Quant à parler d'une base militante, celle-ci n'existe plus depuis que le syndicat a tourné le dos aux travailleurs et que des syndicats autonomes se sont imposés sur le terrain des luttes rognant allégrement sur le fichier UGTA. La crise économique éclatée depuis 2014 et inscrite dans la durée, et les mesures antisociales qui s'en suivent invitent le pouvoir à s'appuyer de nouveau sur une tripartite pour faire accepter ses choix. Or, cette tripartite est en déficit de légitimité, par sa composante sociale, au moins. Des années durant, le gouvernement Sellal s'est entêté à occulter les syndicats autonomes en refusant de les associer au dialogue, préférant donner l'exclusivité du partenariat social à la seule UGTA. Résultat : ce qu'on appelle aujourd'hui le pacte économique et social scellé par cette tripartite n'engage que ses signataires et souffre la non-adhésion des couches populaires. Personne n'ignore aujourd'hui que la conscience de classe s'est émoussée depuis le démantèlement du tissu industriel national dans les années 1990, et l'installation d'un modèle de consommation libéral boosté par l'argent de la rente et de l'impunité accumulé dans les années 1990/2000. Mais le peu qui reste impose au pouvoir politique de renoncer au pompier illégitime pour faire rempart contre la contestation sociale, et d'associer les représentants (les vrais) de la classe travailleuse. L'incident de ce mardi devrait inspirer le Premier ministre et son gouvernement pour s'adresser désormais aux Algériens à travers des canaux reconnus, si le but est de mobiliser en prévision des temps très durs qui attendent inexorablement le pays. A moins que les Algériens ne soient convoqués qu'en témoins cocus d'une énième bisbille entre ses prédateurs.