Trois sages-femmes, un directeur de garde et un contrôleur médical ont été mis sous mandat de dépôt, jeudi, par le juge d'instruction près le tribunal de Aïn Oussara dans la wilaya de Djelfa, dans l'affaire du décès d'une parturiente de 23 ans et de son bébé. Plusieurs membres du personnel médical des trois hôpitaux de Aïn Oussara, Hassi Bahbah et celui du chef-lieu de wilaya, qui avaient été entendus ont, pour leur part, été relâchés, selon des médias locaux. Les trois sages-femmes travaillaient chacune dans l'un des hôpitaux tandis que les deux autres interpellés exercent à Hassi Bahbah. Les cinq personnes mises sous mandat de dépôt sont poursuivies pour «négligence» et « non assistance à une personne en danger» et risquent donc la prison. Le 25 juillet dernier, rappelle-t-on, une jeune femme enceinte a été contrainte de parcourir, par ses propres moyens de transport, 200 km en aller-retour de Aïn Oussara à Hassi Bahbah (45 km) puis à l'hôpital de Djelfa (54 km), avant de rendre l'âme le lendemain après avoir accouché en cours de route d'un bébé mort-né. Elle s'est vue refusée toute prise en charge dans les trois hôpitaux qu'elle sillonnés en compagnie de son mari. «Manque d'un médecin spécialiste», «rivalité entre deux hôpitaux» et «renvoie dans l'hôpital de résidence», les raisons du transfert de la jeune maman importaient peu eu égard à son état qui nécessitait une prise en charge. Malheureusement, le personnel qui l'a examinée n'avait pas mesuré l'ampleur du danger. Finalement, le drame est arrivé et a soulevé une grande indignation et une colère chez les citoyens de Djelfa et devenu grâce aux réseaux sociaux une affaire d'Etat. Le ministère de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière s'est alors constitué «partie civile» dans le procès intenté par la famille de la jeune maman décédée. «Toute personne ayant fait preuve de négligence et de laisser-aller dans cette affaire sera sévèrement sanctionnée à la lumière du rapport définitif que remettra la commission d'enquête, et ce, parallèlement à l'action en justice en cours», avait indiqué aussi le département de Mokhtar Hasbellaoui, trois jours plus tard. Avant-hier, le personnel médical de l'hôpital d'Aïn Oussara a organisé un sit-in de protestation en guise de solidarité avec leur collègue sage-femme arrêtée dans cette affaire. Les protestataires estimaient que son interpellation n'a pas lieu d'être puisqu'elle n'a fait qu'appliquer une instruction ministérielle qui stipule que pour un premier accouchement, la présence d'un médecin spécialiste (gynécologue-obstétrique) est obligatoire. Etant seule, en l'absence du médecin de garde la nuit du drame, la-dite sage-femme n'a pas voulu prendre de risque. Une autre action sera organisée demain dans le même hôpital. Par ailleurs, le wali de Djelfa aurait mis fin aux fonctions du directeur par intérim de l'hôpital en question, à l'issue d'une visite d'inspection qu'il a effectuée mercredi. Affaire à suivre. Le CNDH enquête Le Conseil national des droits de l'Homme (CNDH) a indiqué qu'une délégation s'est rendue dans la wilaya de Djelfa pour s'enquérir des circonstances du décès d'une parturiente, soulignant qu'il "suit avec intérêt" la situation sanitaire dans le pays dans le cadre de sa mission en tant qu'instance constitutionnelle nationale indépendante, a indiqué un communiqué du Conseil. "Le CNDH suit avec intérêt la situation générale de la santé dans le pays, notamment à travers des visites sur le terrain dans le cadre de sa mission en tant qu'instance constitutionnelle nationale indépendante", précise le communiqué. "Le droit à la santé est un droit fondamental étroitement lié au droit à la vie", a ajouté la même source, soulignant que le droit à la santé est "garanti par la Constitution et les Chartes internationales adoptées par l'Etat algérien". Le communiqué rappelle que "suite au décès d'une parturiente à Djelfa dans des circonstances obscures, une délégation du CNDH a été dépêchée sur les lieux pour s'enquérir des faits et soutenir la famille de la victime", précisant que des cas similaires peuvent se produire à travers le pays. Le CNDH a indiqué qu'il "publiera prochainement à l'issue de ses visites à travers le territoire national un rapport sur la situation de la santé en Algérie soutenue par des recommandations et des avis sur le droit à la santé en Algérie". Le CNDH invite, enfin, les parties concernées à veiller à ce que ces incidents douloureux ne se reproduisent plus.