En recevant leurs contrats les liant à l'agence de location-vente, les locataires étaient assurés d'une prise en charge correcte en matière de prestations (gardiennage, nettoiement et entretien des parties communes et ascenseurs, etc.). Qu'en est-il aujourd'hui ? Etat des lieux. Le visiteur lambda des sites Aadl de la capitale se fierait facilement à la tranquillité des lieux et à la bonne disposition des immeubles. Des cités où il fait bon vivre. Mais ce n'est en réalité qu'un trompe- l'œil. Les cités, les premières à être livrées dans le cadre des programmes 2001/2002 et occupées il y a une dizaine d'années et plus, sont aujourd'hui livrées à elles-mêmes. Sans aucune excuse, sans aucun préavis, l'administration de l'Aadl, par le biais de sa filière Gestimmo, s'est retirée de ses obligations en n'assurant plus les prestations de service écrites noir sur blanc dans le contrat remis à chaque souscripteur lors de la remise des clés. Dans notre tournée menée dans plusieurs sites, le constat, à quelques différences minimes, est pareil. Les résidents, ayant déchanté depuis des années déjà, ont fini par s'organiser, sous la bannière d'une association ou un d'un simple comité de quartier, et se prendre en charge. Comme le déclare ce père de famille habitant au 10e étage d'une des imposantes tours du site d'El Achour : «Cela fait plus de douze ans que j'habite ici ; au début, tout frais, tout beau, on ressentait une certaine fierté. Avoir un logement neuf dans un quartier résidentiel est un rêve que tout le monde aspire à réaliser, surtout lorsqu'on a connu la frustration durant de longues années passées dans des petits appartements de location à des prix exorbitants. Néanmoins le bonheur, comme toujours, n'aura pas duré longtemps et des problèmes ont commencé avec des pannes fréquentes d'ascenseur, des pompes de la bâche à eau privant du liquide précieux une bonne partie de l'immeuble. Et cela a été suivi par une dégradation de l'état de propreté des lieux faute de femmes désignées à ce genre de tâche. Un ensemble de problèmes qui ont engendré le calvaire quotidien des locataires. La célérité dans la prise en charge de nos doléances affichée au début a laissé place à la nonchalance des interventions et la qualité des prestations diminuait de plus en plus jusqu'à devenir du bricolage. On s'est rendu compte que le compter-sur-soi n'était plus un vain mot».
Gestimmo, l'abonné absent La filière de l'Aadl chargée de la gestion des immeubles est en fait un corps sans âme. Cet Epic ne remplit concrètement qu'une infime partie des prestations auxquelles elle est astreinte envers les locataires. La mission de gérance du site est réduite à sa simple expression, celle de dispatcher les avis de paiement, de les collecter avant de les réexpédier à l'entreprise mère. Et gare aux retardataires qui se verraient obligés de payer après le 24 du mois une pénalité. Et puisqu'on en est là, parlons de ces fameuses charges imposées aux locataires. Elles se chiffrent en centaines de millions par site que Gestimmo engrange sans trop de peine. Qu'on en juge : la grande majorité des sites souffre de l'absence d'agents d'entretien et de nettoyage, des pannes fréquentes des ascenseurs. Sporadiquement, la conscience reprend du service en envoyant un agent de nettoyage faire un travail bâclé. En guise de nettoyage, un coup de balai juste pour marquer la présence et le résultat se passe de tout commentaire. Pour ce qui est des ascenseurs, ce volet est le plus pénible des châtiments infligés aux locataires des tours culminant à seize étages. Ces engins devenus avec le temps de véritables dangers ont donné à plus d'un des sueurs froides et des moments de panique traumatisants. Sans aller droit à la vraie cause qui est celle de la mauvaise qualité du matériel, on désigne tout de suite le bouc émissaire, à savoir les locataires. Pourtant, ces mécaniques ont commencé à s'essouffler dès la première année d'utilisation, ce qui rend discutable leur qualité. C'est vrai qu'il y a quelquefois un manque de civisme et que certains utilisateurs sont à l'origine d'une panne, mais on ne peut généraliser. La maintenance, faut-il le dire, a souvent manqué d'efficacité et la panne revient aussitôt le réparateur reparti. Dans le meilleur des cas, cela tient quelques jours. L'on se rend à l'évidence, qu'il s'agit de bricoleurs à la petite semaine et non de techniciens avérés. Se ramener avec une pince et un tournevis renseigne bien sur leur compétence. Où vont les milliards ? Les résidents de la tour 2 de la cité la Concorde, le plus petit site Aadl de la capitale, sont exaspérés. Les 64 locataires de cet immeuble de seize étages paient une redevance mensuelle moyenne en charges locatives de 2500 DA par famille, soit un taux global de près de 170 millions de centimes par an. Une somme, pensent-ils, assez suffisante pour couvrir les frais d'entretien de leur immeuble quelle qu'en soit la nature. «L'immeuble est doté de deux ascenseurs dont l'un est à l'arrêt depuis plus de quatre ans, le second qui fonctionne aléatoirement est actuellement en panne. Cela fait plus d'un mois que nous nous démenons pour sa réparation pendant que Gestimmo fait la sourde oreille. Le silence radio de cette dernière nous a poussés à nous prendre en charge en payant nous-mêmes la pièce défaillante», dira un groupe de locataires. L'un d'eux confie que les réparateurs envoyés seraient motivés par «une petite commission». Compréhensible pratique, dans un sens, mais expliquant en définitive la situation dans laquelle se trouve cette boîte. Le manque peut-être de personnel qualifié serait-il à l'origine du recours à la sous-traitance auprès de micro-entreprises inexpérimentées ? La question ne serait pas de trop. Les piètres prestations fournies par ces dernières sont une réponse irréfutable. Pour la petite histoire, une enquête ordonnée par le ministre Tebboune à son arrivée à la tête du secteur en 2012 sur la base de sources faisant état de dilapidations de deniers publics, a fini dans les fonds de tiroirs non sans avoir sacrifié le DG de Gestimmo de l'époque. Et au même ministre de promettre la renaissance des cités Aadl en confiant les volets hygiène et entretien des ascenseurs aux jeunes de l'Ansej. Pour l'emploi, c'était un bon geste, mais le côté prestation fut une expérience hasardeuse. Que peut-on, en fait, dire de cette expérience ? Encore une promesse en l'air. Pas plus. Inutile de revenir sur l'absence totale de communication de l'administration à l'égard des locataires. Ces derniers ne comprennent pas dans quelle logique s'inscrit l'Aadl en les lâchant. Il n'y a qu'à se rendre sur les sites pour constater la coupure. Il y a quelques jours, une conduite principale d'eau a éclaté en pleine nuit, provoquant une inondation. Les gardiens alertés ont réussi à fermer la conduite mais non sans pénaliser les locataires de tout le site, soit les quatre immeubles. Tout bonnement parce que le robinet d'arrêt d'un des immeubles avait été supprimé par un organisme étatique occupant l'un des locaux-services de l'Aadl. Cette dernière aurait dû refuser cette intervention puisque intervenant à l'intérieur de l'immeuble propriété de l'Aadl. Et ce qui blesse encore, c'est que la réparation de l'avarie a été à la charge des locataires qui ont fait appel à un plombier privé. Tout comme d'autres réparations d'ailleurs. «Si pour parer au plus pressé, nous nous chargeons des réparations, notamment des ascenseurs, l'on est en droit de s'interroger sur le sort des milliards générés par le paiement des charges», fera savoir un locataire. Ce qu'il faut savoir, c'est que dans beaucoup de sites, le recours au non-paiement des redevances locatives semble une solution forcée pour faire réagir les responsables. Payer pour ce qu'on n'obtient pas en contre-partie a un nom. Et tout le monde le sait.