De nos jours, malheureusement, les chamailleries de quartier sont devenues courantes, au point où dans un même immeuble on trouve deux ou, au maximum, trois familles qui continuent à se parler. Vraiment bizarre, alors que la société algérienne est très communicative et a le contact facile. Les raisons des disputes varient en fonction de la nature du quartier, de la tranche d'âge des habitants, mais surtout de l'origine des locataires de la cité. Là aussi, le fait est surprenant, comme s'il existait des Algériens «taiwan» ?! Une querelle a eu lieu dans un quartier populaire d'Alger. Un groupe de 25 personnes en a été l'acteur, une dizaine d'outils tranchants ont été utilisés, par conséquent plusieurs blessés ont visité les hôpitaux. Sofiane, Bassem, Fawzi, Omar, Lyès et les autres ont comparu hier au tribunal de Sidi M'hamed pour coups et blessures volontaires. Les victimes quant à elles sont Mehdi, Mohamed et Sadek, venus pour la plupart avec des pansements et d'autres en béquilles. L'élément déclencheur de la rixe est celui-ci : «Tu es un "cavé", retournes chez toi, vous êtes tous des Guebala et enfin Kabtek Wilaytek.» Des chefs-d'œuvre en matière d'insultes, une innovation vocabulaire très péjorative, c'est du pur algérien. Pauvre Algérie. «J'ai honte de traiter une telle affaire, comme si nous n'avions pas de village d'origine. Chacun de nous vient d'un patelin, et depuis ma tendre enfance je n'ai jamais eu honte ou été gêné de ma région. Dommage qu'aujourd'hui on se retrouve à l'hôpital pour si peu», a tonné le magistrat en furie. Les accusés, tous debout face au juge, se sont mis à raconter les faits. Sofiane est le principal accusé. Le magistrat lui demande de dire toute la vérité. Ce dernier commence : «Nous étions tous assis au quartier en train de discuter, et peu de temps après Mehdi nous rejoint. De fil en aiguille, nous abordons le sujet des filles qui circulent avec des tenues légères à Alger. A ce moment, Mehdi rétorque : ‘'Ce sont vos sœurs et filles qui le font. Nous, nous sommes restés attachés à nos valeurs. Et à partir de là, une altercation se déclenche, apaisée par les copains qui étaient avec nous. Deux jours plus tard, une cousine qui habite le quartier passe devant notre lieu de rencontre, et là Mehdi m'appelle de l'autre côté de la rue en pointant du doigt la cousine et me dit : ‘'Tu as vu cette tenue ? On dirait une s…'' Je n'ai pas pu me retenir et je l'ai piqué avec mon couteau. Une bagarre générale s'ensuivit.» Scénario hitchcockien. Le juge tente de soutirer encore des informations aux autres accusés, en vain. Les versions sont toutes identiques. Le magistrat appelle la principale victime qui a voulu dans un premier temps nier les faits narrés par l'accusé, avant de revenir à de meilleurs sentiments et de reconnaître que ce qu'a raconté Sofiane est bel et bien vrai. Le parquet a requis 6 mois de prison ferme contre les agresseurs assortie d'une amende de 20 000 DA. L'avocat de la défense s'est dit outré d'un tel réquisitoire : «Je ne pense pas que le parquet accepte à ce qu'on tire sur son honneur.» Et d'ajouter : «Je ne défends pas mon client uniquement, mais aussi les victimes, car en tout état de cause ils sont tous victimes d'une certaine culture importée de je ne sais où. L'Algérien a besoin de se réconcilier avec lui-même et avec son frère, 15 ans barakat ! Nous sommes tous des Algériens, citadins ou ruraux c'est kif kif.» Le verdict sera rendu le 14 juillet.