Le patriotisme économique, nouveau concept puisant son essence d'une prise de conscience politique et visant à «renationaliser l'effort et le dividende» est-il en train de trouver son premier canal d'expression dans le nouveau code des marchés publics, qu'on dit porteur d'un rééquilibrage majeur en faveur de l'entreprise algérienne ? En effet, la révision annoncée des conditions d'accès aux marchés publics se veut, dans le fond et dans la forme, révolutionnaire pour l'économie algérienne, dans la mesure où elle consacre une plus large participation de l'outil national de production, qu'il s'agisse d'entreprises privées ou publiques dans tout programme de développement. C'est une première en la matière puisque désormais 25% des marches publics seront réservés aux entreprises algériennes, tant publiques que privées. Autrement dit, cette mesure qui «algérianise» pas moins de 25% de marchés publics ne manquera certainement pas de recueillir l'enthousiasme du patronat algérien, notamment le FCE (forum des chefs d'entreprises) même si ce dernier qui se positionne en véritable force de proposition a placé la barre un peu plus haut. Par-delà ce sursaut de nationalisme qui ne va pas à l'encontre de l'orthodoxie économique dans un contexte résolument ouvert à la concurrence, il faut donc, comme le laisse entendre cette logique des affaires, s'attendre à voir se mettre en place toute une série de mécanismes techniques et réglementaires pour préciser le mode opératoire d'une telle faisabilité. En clair, un nouveau dispositif devant désormais régir la rédaction des appels d'offres d'une part, et la redéfinition des champs d'intervention aussi bien de la partie algérienne que de celle des étrangers d'autre part sera mis en place pour rendre effective sur le terrain la nouveauté introduite. S'agira-t-il donc, comme l'a si bien suggéré le FCE, de lancer des appels d'offres exclusivement destinés aux nationaux sur certains segments où le potentiel d'efficacité et de maîtrise de l'outil national est à même de s'affirmer et capable de relever le défi ? Y aura-t-il donc des secteurs exclusivement réservés à la partie algérienne ? Comment seront définis et recensés les marchés publics qui devront relever strictement du domaine national ? Car ne l'omettons pas, la mesure qui porte réservation de 25% de marchés aux algériens signifie dans son prolongement qu'un espace d'affaires important sera soustrait à toute participation étrangère. Autrement interprétée, la nouveauté entend fermer l'accès aux étrangers sur certains marchés, une pratique tout à fait souveraine que des modèles économiques des plus libéraux de par le monde ont bel et bien adoptée depuis des lustres. Algérianisation des marchés Or, sur cette lancée, il est question de travailler en profondeur pour dégager justement et judicieusement ces parties de marchés où l'algérien entrepreneur a les moyens de sa politique et dispose d'arguments suffisants en matière de savoir-faire pour honorer le contrat. Aussi, en fonction de la nature et de la complexité des travaux objet de contrats et en fonction également des objectifs de respect des normes et des délais , conditions auxquelles vient se greffer l'obligation de résultat, le déblaiement du terrain réglementaire pour favoriser la participation algérienne tiendra compte inéluctablement de ces paramètres qui ne peuvent obéir qu'à des objectifs de réussite portant une signature nationale. Le FCE, qui avertit contre le recours systématique à l'entreprise étrangère, excluant d'office la partie algérienne, s'inspire en réalité d'expériences réelles relevées sur le terrain. En effet, dans plusieurs cas connus, des entreprises étrangères attributaires de marchés publics se sont par la suite rabattues par le bais de la sous- traitance en direction des entreprises nationales à qui elles ont confié l'essentiel des travaux. Fait grave et riche aussi bien en révélations qu'en enseignements : c'est un aveu d'échec à mettre à l'actif de l'initiateur de l'avis d'appel d'offres et c'est également perçu comme une preuve de compétence de l'entreprise algérienne que lui reconnaît … une partie étrangère, alors que paradoxalement, cette confiance ne lui est pas accordée dans son propre pays par ses compatriotes. Constat implacable. Telle qu'elle a encore cours, cette pratique s'est avérée discriminatoire à l'encontre des algériens dans leur propre pays, qui se voient défavorisés pour être d'avance exclus de toute soumission aux marchés dont les termes et les conditions sont souvent autant de barrières qui n'incitent guère à la participation. Il était donc temps que l'on reconsidère ces maldonnes et que l'on comptabilise le nombre de sociétés algériennes qui ont pu imposer leur signature dans divers segments d'activité, allant jusqu'à oser la compétition face à des concurrents «importés» par le jeu de l'internationalisation de certains appels d'offres . L'expérience de l'entreprise algérienne acquise soit par la sous-traitance soit par implication directe doit finalement être comptabilisée et rentabilisée au service du développement national. Salutaires seront donc les récentes décisions du premier ministre ouyahia qui met l'accent sur la préférence nationale à l'occasion des marchés publics dans une fourchette de 15%. Autodiscrimination en amont C'est-à-dire que si le soumissionnaire national est dans la limite de 15% plus cher que son concurrent étranger, il sera «obligatoirement» retenu et bénéficiaire du marché. Cela aussi est une autre mesure qu'il ne faut pas omettre de citer afin de lier le concept de patriotisme économique et de placer ces nouveautés dans une même philosophie d'ensemble, œuvre d'une volonté politique orientant la ressource nationale au profit de l'intérêt national avec la participation majeure des acteurs domestiques. L'Algérie économique d'aujourd'hui pèse précieusement à travers ses vastes programmes de relance où tous les chantiers sont ouverts à hauteur de plus de 150 milliards de dollars sur cinq ans. Le code de marchés publics «renationalisé» est un autre chantier qu'il était salutaire et urgent de lancer. Ne manque plus dans ce décor que les résultats politiques de la fameuse stratégie industrielle et la mise en place des champions économiques qui devaient au sens de cette démarche servir de pôles de relance et d'instruments de développement appelés à relever le défi du développement et de la compétitivité. Plus que jamais, l'entreprise algérienne ainsi mise devant la responsabilité et l'obligation de résultat sera interpellée pour s'affirmer à la hauteur de la confiance qui vient de lui être signifiée. Politiquement et économiquement. Abdelkrim