Bamako et la rébellion touarègue sont à nouveau réunis autour de l'accord d'Alger pour aplanir leurs divergences et lutter ensemble contre le terrorisme. C'est officiel ! L'accord d'Alger se remet sur les rails au Mali. Cet accord signé en 2006 entre la rébellion touarègue et Bamako sous médiation algérienne est entré en latence (2007-2009) pour cause de retard qu'ont accumulé ses clauses à être appliquées, mais aussi à cause d'une résistance enregistrée chez certains rebelles touaregs, en l'occurrence un groupe de l'alliance pour la démocratie et le changement, (ADC) qui, sous la houlette d'ag Bahanga, avait quitté les rangs pour entrer en dissidence les armes à la main avant d'essuyer un revers cuisant par l'armée malienne qui a poussé le meneur à se réfugier en Libye. Il y a trois jours, des représentants officiels du gouvernement de Bamako (dont le ministre malien de l'administration territoriale, le général Kafougouna Koné, ndlr), des représentants de l'ex-rébellion, pour ne pas préciser l'alliance démocratique du 23 mai et la facilitation algérienne représentée par l'ancien ambassadeur d'Algérie au Mali, Abdelkrim Gheraïb se sont rencontrés à Bamako. Une première dans l'histoire de ce conflit où le comité de suivi se réunit dans la capitale malienne. Tout prête à croire que Bamako veut mettre le paquet pour en découdre avec ce conflit qui dure depuis bientôt deux décennies dans le nord de ce pays où l'instabilité a engendré le banditisme en tous genres et de tous bords, dont le terrorisme.En effet, se situant dans la bande sahélo-sahélienne que se partagent plusieurs pays africains, à savoir l'Algérie, le Mali,le Tchad, la Libye, le Niger, le Burkina Faso et la Mauritanie, cette zone que d'aucuns n'hésitent plus à qualifier de sous-continent tant la superficie est importante (8 millions de km2) est devenue une zone de non-droit depuis que les trafics s'y sont installés : cigarettes, drogues, armes, munitions êtres humains… Tout passe et circule en toute illégalité dans cet immense désert devenu de fait celui de la honte face à la prolifération de ces fléaux où le terrorisme a su se greffer et trouver refuge. Au dernier séminaire sur le terrorisme et le crime organisé tenu à Alger par le centre africain d'études et de recherche sur le terrorisme (CAERT), la région sahélo-saharienne a retenu toute l'attention des participants : le directeur du CAERT, Boubacar Gaoussou Diarra, a tiré la sonnette d'alarme. Pour lui, cette zone est en passe de se transformer en «no man's land» depuis que «la connexion est établie entre les groupes terroristes, les narcotrafiquants et les trafiquants d'armes». Une situation qu'il a qualifiée de dangereuse, car selon Boubacar Gaoussou Diarra, «les terroristes ont emprunté aux groupes criminels leurs méthodes en mettant à part leurs convictions politiques».Ainsi, ce n'est pas un hasard si du côté malien, Bamako a appuyé le processus de paix par un programme social qui vise les jeunes à Kidal, au nord du Mali. Il s'agit d'une structure qui permettra la réinsertion socioéconomique de plus de 10 000 jeunes estimée à plus de 1,5 euro pour, on le devine, leur éviter d'être embrigadés dans la mouvance terroriste qui a but de les transformer en soldats de la mort qu'elle sème sur son passage. Aussi la réunion de dimanche dernier a-t-elle porté sur la lutte contre le terrorisme en région sahélo-saharienne. Même si rien n'a filtré pour l'instant sur le sujet, l'on pourrait deviner avec aisance le rôle que les ex-rebelles pourraient jouer sur cette question. Pour le politologue Adelhak Mekki «le rôle des rebelles touaregs est de cesser tout activisme menaçant la stabilité et l'unité malienne, mais aussi d'éviter toute infiltration de bandes terroristes ou toute velléité de ce type engendrant un combat sans merci et une mobilisation conjointe de l'Etat national et de la communauté internationale contre eux.» (lire l'entretien ci-joint) Cependant, le Mali à lui seul peut-il faire face au terrorisme qui mine toute la région ? Même si toutes les volontés sont affichées par Bamako notamment après l'assassinat du touriste britannique le 31 mai dernier au Mali, toutefois et sans la conjugaison d'efforts avec ceux des autres pays qui se partagent la zone sahélo-saharienne, l'effort sera vain. C'est en tout cas ce qu'a affirmé le président malien Amadou Toumané Touré. Dans un entretien qu'il a accordé à notre confrère El Watan, le président malien a précisé qu'il s'agit de menaces transfrontalières «et aucun des pays ne peut trouver, seul, la solution pour y faire face». Et dans cette lutte, le Mali a déjà un allié qui est l'Algérie. Forte de son expérience tout aussi militaire que stratégique dans cette lutte qui est reconnue tout aussi bien à l'ONU, aux États-Unis qu'en Europe, Alger entretient une collaboration avec Bamako sur la question. Toutefois, et pour mener à bien le travail d'équipe, Bamako a appelé à une conférence sur la paix et le développement le plus tôt possible. Selon le président malien, «les travaux préparatoires ont été terminés et les textes de base élaborés par les experts de chaque pays participant et leurs ministres des Affaires étrangères, à savoir le Tchad, la Libye, l'Algérie, le Niger, le Mali, le Burkina Faso et la Mauritanie». Reste selon Touré «une réunion des chefs d'Etat pour apporter leur caution politique et dégager un plan commun.»