Amadou Toumani Touré peut se frotter les mains après la réussite de la médiation algérienne. Lorsque le chef des insurgés, Ahmed Agbebe, et le général Kafougouna Kone, prennent le stylo pour signer le «pacte de la paix d'Alger» on pouvait enfin souffler et se laisser aller d'éloges en éloges pour le rétablissement de la paix au Mali. Le corps diplomatique présent en force, les principaux médiateurs algériens et les deux délégations maliennes en négociation assistent alors aux discours des principaux acteurs de cet événement clos en l'espace de cinq semaines. La premier à prendre la parole, a été le ministre des Affaires étrangères algérien, Ahmed Bedjaoui: «La médiation conduite avec conviction par l'Algérie, l'attachement personnel du président de la République, Abdelaziz Bouteflika, son passé de moudjahid aux frontières maliennes, ont élevé le problème de Kidal au rang de priorité (...) le président algérien Abdelaziz Bouteflika donne toute l'importance et la priorité afin d'éloigner le Mali du spectre de la division (...) l'Algérie a été et demeure un allié traditionnel du Mali...» Un grand hommage a été aussi rendu «aux négociateurs algériens qui ont travaillé dans la discrétion et l'efficacité et ont rendu possible l'accord d'Alger». Le représentant de Touré, le ministre de l'Administration territoriale, le général Kafougouna Koné, a, bien entendu, salué cette paix des frères maliens, mais a surtout insisté sur «les efforts déployés par Bouteflika». Le ministre malien a insisté sur la volonté de son pays d'appliquer les accords d'Alger et d'honorer ses engagements vis-à-vis de la rébellion malienne. Truculent, haut en couleur, un rien agressif, le chef de la rébellion touarègue, «l'Alliance démocratique du 23 mai pour le changement», Ahmed Agbebe lancera devant l'assistance: «Les événements du 23 mai (comprendre: les attaques lancées contre les casernes du nord du Mali, Ndlr) ont eu lieu pour éviter que des soulèvements plus graves encore ne surviennent et bouleversent tout le Mali. J'attire votre attention que les Maliens, pour peu que les autorités montrent une meilleure disponibilité politique, peuvent vivre en paix dans une terre plus stable et sécurisée. Le Mali ne sera ni le Congo, ni la Côte-d'Ivoire, ni le Darfour...». Visiblement satisfait de ce «bon point» pour Alger, les officiels algériens, Bédjaoui, Ould Abbas, Messahel et l'ambassadeur algérien à Bamako, Ahmed Ghrieb, affichaient une mine radieuse des grands jours. Cependant, lors de la collation donnée en la circonstance, les rebelles touaregs manifestaient une joie toute mesurée. «Attendons de voir les applications de cet accord par le président Touré pour être plus sûrs», marmonnait Ahmed Agbebe. Le gouvernement malien avait demandé le 3 juin dernier à l'Algérie d'aider à trouver une solution pacifique à la crise entre Bamako et les ex-rebelles touaregs maliens. «Nous avons effectivement paraphé un document pour faire la paix, et nous retournons vers notre base pour commencer une campagne d'explication du texte», avait confirmé sous couvert de l'anonymat un membre de la délégation des ex-rebelles lors de sa venue à Alger. Alger avait déjà joué un rôle décisif dans le règlement de la première rébellion touarègue grâce aux accords de paix signés en 1992 à Tamanrasset entre la rébellion touarègue et le pouvoir malien. La dernière rébellion touarègue, celle du 23 mai dernier, a été menée par plusieurs officiers, intégrés à l'armée malienne après la première rébellion du début des années 1990 et qui avaient déserté ces derniers mois. Ceux-ci avaient attaqué le 23 mai deux camps militaires de Kidal, situées au nord-est du pays, et un troisième à Menaka (est du pays), avant de se retirer dans des collines proches de Kidal. Ces attaques avaient fait six morts, selon un bilan de source officielle malienne. Ces ex-rebelles touaregs, conglomérat d'anciens militaires en rupture avec l'armée et de déserteurs, avaient pris le contrôle de deux camps militaires de Kidal et ont attaqué un autre à Menaka, relançant les craintes de violences dans une région qui avait été le théâtre d'une rébellion touarègue dans les années 1990.