Réduite seulement à faire dans le brancardage et à évacuer les malades vers les hôpitaux, la mission de la médecine d'urgence extra-hospitalière relevant du Samu souffre d'une grave déviation dans ses prérogatives qui sont loin de refléter sa réelle vocation. Tel est le constat amer qu'on a fait lors de notre essai à prendre le pouls de ce service récemment installé en Algérie. Ainsi, le Samu, qui se veut être le service d'aide médicale d'urgence, dont la mission consiste à aller auprès du malade afin de lui prodiguer des soins à domicile, est loin de jouer son rôle. Réduit à faire seulement le brancardier, et de là à emboîter le pas aux services de la protection civile, «le Samu est complètement dévié de sa responsabilité, qui, entre autres, consiste à aller vers le malade pour lui apporter les soins nécessaires et faire en sorte d'éviter toute évacuation vers l'hôpital, que nous faisons seulement au cas où le malade présente des complications qui nécessitent des soins approfondis, une évacuation qu'on fait à l'aide d'ambulances médicalisées», nous apprend un médecin exerçant auprès du Samu de Constantine. Et notre interlocuteur d'enchaîner : «A notre installation en 1995, on arrivait à satisfaire presque tous les appels en allant au chevet des citoyens en détresse, malheureusement, ce n'est plus le cas à présent, puisque les deux ambulances qui nous sont réservées sont la plupart du temps réquisitionnées par les différents services de l'établissement hospitalier pour déplacer des patients hospitalisés afin d'effectuer des radiographies, des scanners…» Pis encore, le médecin n'a pas caché son indignation vis-à-vis du comportement de certains citoyens «qui s'amusent à nous appeler pour nous alerter sur l'existence d'une personne en détresse, et arrivés à l'endroit indiqué, on ne trouve pas l'ombre d'un chat errant, et la plupart du temps, c'est pendant la nuit et sur de longues distances». Ce qui en dit long sur le degré d'ancrage de la médecine d'urgence extra-hospitalière auprès des masses populaires. Comme a bien voulu le signifier un médecin auprès de l'hôpital Mustapha Pacha à Alger, qui nous apprend «qu'il existe un grand flux de citoyens vers les urgences alors qu'ils auraient pu solliciter le concours du Samu, puisque leurs cas relèvent seulement de soins superficiels». Le Samu a vu le jour en Algérie à partir des années 1990, à travers trois wilayas pilotes que sont Alger, Oran et Constantine, avant qu'il ne soit étendu à 16 autres wilayas. Malgré qu'il ait obtenu en novembre 2001 le statut d'établissement public à caractère administratif, ce service est toujours en quête d'une certaine autonomie, qui peut toujours lui conférer un meilleur cadre pour réaliser ses missions. En attendant l'extension des prestations du Samu à l'ensemble du territoire national, il reste qu'une action de sensibilisation demeure de mise pour apprendre au citoyen le but de l'existence de ce service qui n'est autre que son assistant médical permanent.