On les appelle les soldats du feu. Ailleurs, ils sont les stars de l'effort, les héros discrets qui transforment les situations les plus désespérées en dénouements heureux et en grands moments d'émotion collective. Des images se bousculent à leur évocation, comme autant de preuves que finalement tout n'est pas pourri dans notre monde. Une fillette miraculée restée des semaines sous les décombres provoquées par un terrible tremblement de terre avant d'être atteinte grâce à la ténacité d'une équipe dont le métier accepte rarement le renoncement. Une petite vieille ramassée sur elle-même, résignée à périr par les flammes dans un immeuble ravagé par le feu avant que de solides gaillards masqués ne surgissent dans son désespoir pour la ramener à la vie. Des plongeurs qui affrontent les déluges les plus meurtriers pour arracher aux flots ceux qu'ils croyaient acquis à leur fureur. Des visages affamés, assoiffés et apeurés auxquels revient une lueur d'espoir rien qu'à les voir débarquer dans le périmètre de leur agonie. Les images peuvent se multiplier, mais il n'en faut pas beaucoup pour consacrer la noblesse d'un métier et élever les hommes qui le font à un très haut rang de l'humanité. Dans quelques pays, on ne sait même plus si c'est encore un métier. Bien sûr, en dehors des bénévoles, tous les hommes qui accomplissent ce travail en vivent, mais quelle contre-partie matérielle peut compenser cette générosité dans l'effort, ce don de soi, ce courage à toute épreuve entièrement dédiés au secours de l'autre et à la lutte contre les catastrophes les plus assassines ? Quel salaire mériterait que ces femmes et ces hommes consentent à l'angoisse permanente des enfants et oublient la mort qui les guette à chaque sortie ? Ce n'est pas un métier, un sacerdoce alors ? Un peu plus. Parce que beaucoup plus vrai sans doute. Sapeur pompier, ce n'est pas une plaisanterie. Le feu, les tremblements de terre, les cyclones et les inondations non plus. Ces hommes les affrontent pour de vrai. Les hommes du feu n'ont pas droit à la plastronade gratuite, seulement à la reconnaissance vraie. Ici comme ailleurs, les héros factices ne peuvent pas être des leurs. Le feu et les autres malheurs, on y vient à bout, on en atténue les dégâts ou c'est l'échec, à méditer dans de terribles solitudes. On les a vus encore cet été, en haute Kabylie comme en Espagne, les visages noirs de fumée, exténués, attendant la relève ou se ruant sur l'enfer. Simplement, comme si de rien n'était. Des hommes parmi eux sont encore morts cet été. Sur les hauteurs castellanaises ou à Bezzit, ils ont les mêmes visages, face au péril comme dans la foulée d'un retour à la vie. Cet e-mail est protégé contre les robots collecteurs de mails, votre navigateur doit accepter le Javascript pour le voir