Le monde continue de marcher refusant l'aventure en Irak. Image forte que celle de ce Britannique se jetant au devant de la voiture de Tony Blair. Elle rappelle celle du Chinois qui, en 1989, avait arrêté un char à Tien An Men. C'est le symbole de l'homme contre la machine, la force brutale, le rouleau compresseur qui passe et écrase tout sur son passage. Autre image forte, à Washington cette fois : un groupe de femmes percussionnistes invitant les passants à danser contre la guerre, en précisant que la moitié de la population irakienne est constituée d'enfants. Voilà où on en est aujourd'hui, à quelques heures seulement sans doute de la grande offensive américano-anglo-ibérique contre l'Irak. Le monde à la sauce belliqueuse avance ses pions et ce sont autant de missiles, de porte-avions, de bombardiers, d'avions furtifs, de bombes à fragmentation et de milliers de soldats massés tout autour des frontières irakiennes. Une guerre propre, dit-on. Technologique. Zen. Nickel. Sans effusions de sang, à en croire la propagande yankee. Et pourtant, ces frappes chirurgicales, on en connaît les dégâts et les effets dévastateurs. On appelle ça, par euphémisme, les dommages collatéraux. Les blessures de la première guerre du Golfe ne sont pas encore cicatrisées qu'on assiste à une démonstration de force impressionnante qui ne présage rien de bon en ce début de troisième millénaire. Heureusement qu'en face, il y a ces centaines de milliers de bras qui se lèvent pour dénoncer la guerre, de voix qui se font entendre pour clamer leur désir ardent de paix. Les manipulations médiatiques, par CNN interposée, de 1991, sont encore trop vivaces dans les esprits et les gens sont méfiants. On ne leur fait plus gober n'importe quoi. Des cormorans englués dans du goudron en Bretagne, après le passage d'une nappe polluante, et présentés comme des images prises par satellite au Koweït, ça ne marche plus. Les faussaires de l'information, ceux qui travestissent la réalité en jouant sur les faux-semblants que permettent les trucages vidéo, sont désormais démasqués et leurs mensonges mis à nu. La bataille de Timisoara, le procès du couple Ceausescu, la chute en différé du mur de Berlin, voilà autant de mises en scène qui montrent la volonté délibérée de tromper l'opinion. Tout comme les preuves présentées par Tony Blair et Colin Powell sur la détention, par Saddam Hussein, d'armes de destruction massive, qu'elles soient chimiques, nucléaires ou biologiques, et dans lesquelles les experts n'ont vu que des pièces préfabriquées. Qui veut noyer son chien l'accuse de la rage. Si des chefs d'Etat ou de gouvernement ont pris une position claire contre la guerre, comme Jacques Chirac, le chancelier Shröder, Vladimir Poutine, ou le président chinois, c'est qu'ils sont sûrs d'être soutenus par une forte majorité de l'opinion à l'échelle mondiale. Il en a été ainsi ce week-end à Washington et dans d'autres villes américaines, où les manisfestants ont répondu à l'appel de l'organisation Answer (Act now to stop war and end racism - agir maintenant pour arrêter la guerre et mettre un terme au racisme). Des manifestants scandaient: «Pas de sang pour le pétrole», appelant les Américains à « changer le régime ici, plutôt qu'en Irak». Par ailleurs, hier, diverses organisations pacifistes ont eu la géniale idée de prévoir des veillées aux chandelles en de nombreux endroits de la capitale fédérale. A Montréal, au Canada, ce sont pas moins de 250.000 personnes qui ont manifesté contre la guerre en Irak, soit 100.000 de plus qu'il y a un mois. Par ailleurs, à la veille du sommet des Açores hispano-anglo-américain, présenté comme la dernière étape diplomatique avant la mise à feu, la mobilisation a été plus forte que jamais, un peu partout dans le monde. A Milan, en Italie, ce sont 700.000 personnes, selon les organisateurs qui ont dénoncé les préparatifs de guerre. A Barcelone, en Espagne, 500.000 personnes, selon les organisateurs, ont formé une chaîne humaine contre la guerre en Irak. En Allemagne, rapportent les agences, 100.000 personnes ont formé une chaîne de lumière pour protester contre une éventuelle guerre. En France, au Vietnam, en Australie, de partout, parviennent des échos de ces centaines de milliers de personnes qui expriment un autre son de cloche: à la mondialisation de la force brutale, ils opposent l'animondialisme de la paix et de la générosité.