Les deux parties adverses appelées par le greffier ne sont autres que le père souffrant d'une maladie incurable et son fils âgé de 10 ans. Le père accusé de châtiments corporels marchait lentement. Appelé à la barre, éreinté par les tourments, il avait du mal à se tenir debout. Sa voix était tellement faible que même les personnes assises au premier rang ne l'avaient pas entendu. «C'est mon fils. Je suis incapable de lui faire subir un tel châtiment», a-t-il prononcé amèrement. La présidente de l'audience a su auditionner l'enfant sans le vexer. Sa petite taille ne lui avait pas permis d'atteindre le niveau de l'estrade réservée aux juges. Mais son attitude est tellement brave qu'il a impressionné tout le monde. «Ce n'est pas mon père qui m'a fait subir tous ces sévices» a-t-il déclaré à la présidente de l'audience. «C'est ton père qui t'a demandé de dire ça», a-t-elle insisté en lui a montré des photos de lui prises au moment où il subissait la violence. «Qui t'a fait cela?» lui a demandé la magistrate. «C'est une personne étrangère» lui a-t-il répondu. A ce moment-là le procureur l'avait interrogé sur la relation qu'entretenaient ses parents. C'est sa mère qui avait déposé plainte, accusant son ex-mari de cet acte ignoble. Arrivant jusqu'à la cour d'appel, la mère qui s'était constituée partie civile n'a pas daigné se présenter, laissant le père et le fils traîner devant le tribunal pénal. L'enfant a avoué au procureur qui insistait que ses parents étaient divorcés. Voulant élucider cette affaire, le représentant du ministère public a posé unesérie de questions gênantes à l'enfant . Un avocat venu pour une autre affaire s'est insurgé. Ce qui a amené la juge à intervenir pour mettre fin aux agitations. Cet avocat qui n'a pas pu admettre la manière dont l'audience se déroulait s'est volontairement constitué pour défendre l'enfant. La juge a relativisé les tensions en demandant à l'enfant de lui raconter certaines choses de sa vie en dehors du conflit qui a caractérisé la relation de ces parents. «J'ai réussi à l'examen de cinquième. Ma moyenne annuelle est de 7,91» a-t-il raconté naïvement. «C'est bien, mais tu dois faire mieux dans les prochaines années», l'a conseillé la magistrate qui lui a demandé ce qu'il voulait faire plus tard. «Je veux devenir opticien» a dit l'enfant. «Ah, c'est parce que tu portes des lunettes», a plaisanté la juge qui a réussi à apaiser la tension qui a caractérisé l'audience. Le délibéré a été reporté. Le père, tête baissée, a pris la main de son fils en sortant de la salle d'audience, offrant l'image d'un père exemplaire et d'un fils docile.