La loi de finances complémentaire pour l'année 2009 introduit de nouvelles dispositions concernant notamment l'annulation du crédit véhicule. Diversement appréciée, la mesure fera certainement débat entre partisans du tout libéral et ceux qui préconisent une démarche capable de contenir la crise économique. Amine Andaloussi, chargé de la communication de l'Association nationale des concessionnaires automobile (AC2A), avoue ne pas avoir d'opinion arrêtée sur les dispositions de la loi de finances complémentaire 2009. Le bureau de l'association, explique-t-il, se réunira incessamment pour exprimer son point de vue sur l'interdiction faite aux banques publiques et privées d'accorder aux particuliers des crédits pour l'achat de véhicules. Un communiqué sera rendu public à l'issue de la prochaine réunion mais d'ici là, ajoute notre interlocuteur, «on ne peut rien dire à ce sujet, même si nous avons notre propre opinion sur les nouvelles décisions prises par les autorités». L'on sait toutefois, au su des premières réactions dans le milieu des professionnels de l'automobile, que le débat au sein de l'association promet d'être particulièrement houleux et les réactions violentes envers ce que certains considèrent, a priori, comme une énième tentative d'étouffer la profession. Des concessionnaires ont en effet réagi en parlant d'acharnement contre «une activité transparente» et «créatrice d'emploi», qui plus est ne représente que 10% du volume total des importations algériennes. Autrement dit, la hausse inquiétante des importations ne peut être freinée par la seule compression du marché de l'automobile. Une décision à encadrer La réaction outrée des concessionnaires et autres «distributeurs exclusifs» était prévisible. Déjà en butte à quelques difficultés engendrées par l'imposition de deux taxes sur les véhicules neufs et la dévaluation du dinar, facteurs qui ont entraîné une augmentation substantielle des prix à la consommation et, inévitablement, le recul des ventes, les concessionnaires devront à l'avenir faire preuve d'imagination. Malek Ouaddah, économiste et expert comptable, pense que «la décision du gouvernement ne sera bonne que si elle est bien encadrée. Il faudrait en parallèle que l'Etat s'implique davantage dans la régulation des transports publics et leur développement». En outre, explique-t-il, les concessionnaires devront «impérativement» réduire leurs marges, trouver des sources de financement de leurs activités, même à l'étranger, et proposer aux clients des formules attrayantes d'acquisition de véhicules. Selon lui, «la décision du gouvernement va entraîner, et je le souhaite, une vraie concurrence entre les concessionnaires et une réduction notable des prix. De cette façon, il ne restera sur le marché que les bons ; les profiteurs et les bricoleurs intéressés uniquement par le gonflement de leur chiffre d'affaires devront s'éclipser». Eviter le surendettement des ménages Interrogé sur les conséquences immédiates de cette mesure sur le marché de l'automobile, M. Ouaddah ne croit pas que les concessionnaires puissent réaliser le même volume de ventes que celui accompli jusqu'à présent grâce au crédit automobile. «Je ne défends personne et je ne remets pas en cause la décision du gouvernement mais je m'interroge sur les capacités des algériens à payer cash un véhicule à près d'un million de dinars», dit-il, s'attendant lui aussi à une concurrence acharnée entre les concessionnaires, notamment dans le segment des véhicules d'entrée de gamme. Pour Hassan N., qui a eu à diriger une marque du nom de la grande muraille de Chine, «l'Etat devait tôt ou tard réagir au problème de surendettement des ménages et prendre les mesures qu'il juge appropriées». Il explique aussi que les crédits bancaires sont élaborés et conçus pour booster et encourager des activités considérées comme prioritaires. Mais, selon lui, ce n'est pas à l'Etat de prendre pareille décision. «C'est au banquier de proposer ses produits financiers, c'est à lui de calculer ses risques et c'est à lui que revient d'accorder ou de refuser le crédit sollicité». «C'est l'activité bancaire qu'il faut normaliser» Interrogé sur les implications de la loi de finances complémentaire sur l'activité de concession automobile, Saïd Kahoul, président du Conseil supérieur du patronat algérien (CSPA), s'est montré très critique. «Qu'il s'agisse des mesures dissuasives décrétées en direction des opérateurs économiques ou de la suspension des crédits à la consommation annoncées en grande pompe dans un passé récent, cette batterie de mesures nous ramène, une fois encore, à la triste réalité d'une démarche approximative qui fait abstraction des effets néfastes qui peuvent en découler, en particulier sur le pouvoir d'achat du citoyen et des capacités de nos opérateurs à immobiliser de grandes sommes d'argent pour toute transaction commerciale», explique-t-il. M. Kahoul précise que «l'Etat, en sa qualité de régulateur, a pour devoir de veiller au bon fonctionnement de l'économie dans le cadre des dispositions légales et créer une confiance pérenne pour l'investissement sans y interférer». Un avis que ne se semble pas entièrement partager Mohamed Reda A., PDG d'un groupe industriel privé spécialisé dans les technologies de pointe. «Certes, tout Algérien qui en a les capacités a le droit de posséder un véhicule et ça, personne ne peut le lui nier. Mais il faut se dire qu'on est en pleine crise économique et que si l'on ne prend pas les mesures qu'il faut, il y a risque de voir s'effondrer un ensemble d'activités et la perte de milliers d'emplois». Il considère, en outre, que l'annulation du crédit automobile s'inscrit, avec d'autres mesures, dans le cadre de la «normalisation» et de la «moralisation» de l'activité des banques, en particulier les banques étrangères, qui se sont carrément spécialisées dans les crédits à la consommation alors qu'en Algérie, nous avons grandement besoin de crédits d'investissement».