La suppression des crédits à la consommation, particulièrement du crédit véhicule, dans le cadre de la loi de finances complémentaire, devrait avoir un impact sur le secteur des assurances. Au moment où de nombreuses voix se sont élevées pour mettre en avant les retombées négatives de cette mesure, d'autres préfèrent tenter d'expliquer les raisons qui ont motivé la prise d'une telle décision avant de dresser un quelconque jugement. «Les retombées ne commenceront à se faire sentir que dans quelques années», nous a expliqué Abdelhakim Benbouabdellah, secrétaire du Conseil national des assurances (CNA). Assisté par Noureddine Mameri, chef de Projet Major à la division des études, de la prévention et des risques en assurances au CNA, M. Benbouabdellah pense qu'«il pourrait s'agir de mesures transitoires, en attendant la promulgation de la loi de finances pour 2010». «Ça reste une supposition», a-t-il insisté. De son avis, la suppression du crédit à la consommation «n'est pas forcément une mesure négative», puisqu'il faut la replacer dans un contexte général et tenter de recueillir les éléments pouvant l'expliquer. Un contexte marqué en premier lieu par une économie mondiale en crise et c'est le secteur automobile qui la ressent véritablement. Ces dernières années, poursuit le même responsable, l'Algérien est porté sur le crédit à la consommation, lui permettant d'accéder à certains produits dont il était privé auparavant faute de disposer de moyens financiers nécessaires. Cependant, quelques années plus tard, «nous constatons les désastres induits par ce mécanisme. Endetté, le citoyen est tombé dans une certaine précarité, piégé par l'obligation d'honorer le payement de ses échéances». L'autre raison de l'annulation du crédit véhicule est liée au souci des pouvoirs publics de diminuer la facture des importations qui a connu un accroissement fulgurant. Il évoque aussi comme autre motif la forte hausse des accidents de la circulation, plaçant l'Algérie à la 4e place au niveau mondial. Sur le plan environnemental, l'émission du monoxyde de carbone et du plomb ont atteint des seuils alarmants, provoquant une pollution atmosphérique au niveau de la capitale, notamment. De son avis, ce sont autant d'éléments qui militent pour la prise d'une telle disposition, devant avoir des impacts positifs, notamment sur le plan environnemental à travers la minimisation de la pollution atmosphérique et la baisse des accidents de la route. Les concessionnaires demeurent gagnants Pour sa part, Noureddine Mameri pense que les concessionnaires automobiles, qui ont contesté l'annulation des crédits véhicules en la présentant comme une mesure restrictive, doivent reconnaître que l'Etat algérien les a accompagnés et leur a ouvert le marché à travers d'autres mesures prises dans le cadre de précédentes lois de finances. «Les concessionnaires automobiles ont bénéficié en 2007 d'une mesure présidentielle interdisant l'importation des véhicules d'occasion de moins de trois ans», a-t-il rappelé. Ceci a boosté la vente des véhicules neufs en Algérie, fera remarquer ce cadre. Poursuivant dans le même contexte, Abdelhakim Benbouabdellah estime que les pouvoirs publics «n'ont nullement l'intention de réduire le parc auto». Son motif a trait aux nombreux projets de construction et de réhabilitation des autoroutes et routes. Même si un recul venait à être constaté pour les ventes de véhicules neufs, le marché d'occasion connaîtrait une légère hausse, s'attend M. Mameri, qui précisera, à l'occasion, que le crédit véhicule ne représente qu'un faible pourcentage des ventes de véhicules. Il s'insurge contre les concessionnaires automobiles qui n'ont pas révisé les prix à la baisse, malgré le contexte de crise mondiale. «Ils n'avaient pas besoin de concevoir des révisions de prix en Algérie puisque le crédit véhicule était maintenu», a-t-il rétorqué. Lors de l'instauration de la taxe sur les véhicules neufs, les concessionnaires avaient observé un effort sur le plan marketing, offrant des remises considérables et des assurances «tout risque». Les assureurs appelés à plus d'efforts Ceci prouve, selon lui, qu'ils détenaient déjà des marges bénéficiaires importantes. Leur réaction devait, en fait, contrecarrer les mesures prises par l'Etat. Il laisse entendre que les concessionnaires trouveront un subterfuge à la disposition relative à la suppression du crédit véhicule. Le crédit automobile a varié entre 90 de 100 milliards DA. En termes de vente, 247 000 véhicules ont été commercialisés par les concessionnaires en 2008. Tout en relevant que l'assurance auto représente 45 % du chiffre d'affaires des compagnies d'assurances, M. Mameri a indiqué que le nombre de contrats tous risques a avoisiné 140 000 en 2008. Entre janvier et juillet 2009, 188 000 véhicules ont été vendus. Le chiffre d'affaires des assureurs est de 27 milliards DA pour le premier semestre 2009 dont l'assurance auto représente environ 14 milliards DA. Le secteur des assurances ne commencera à ressentir l'impact de la suppression du crédit automobile qu'à partir de 2013, date correspondant à la dernière année de payement des échéances de crédits véhicules contractés en 2008. Mais ce responsable a omis de parler des parts de marché perdues suite à l'annulation du crédit véhicule. Il fera remarquer, par contre, que les propriétaires de véhicules ne se contentent plus de l'assurance civile, qui est obligatoire, et optent de plus en plus pour les assurances facultatives, vu le nombre croissant d'accidents et de vol de véhicules enregistrés annuellement atteignant des seuils alarmants. Près de 82% des primes de l'assurance automobile, soit 8,4 milliards DA, correspond à la couverture des garanties facultatives. A moyen terme, l'on s'attend à l'accroissement de la demande des assurances facultatives. Un changement de comportement est constaté auprès des assurés, relèvent les deux responsables.La suppression des crédits véhicules ressuscitera, par ailleurs, un intérêt pour les véhicules d'occasion. Donc, l'assurance automobile demeurera prédominante dans la composante du chiffre d'affaires du secteur des assurances, pensent les deux cadres du CNA. De nouveaux efforts devront être consentis par les assureurs en vu de mettre en avant l'intérêt de contracter une assurance tous risques. Appel pour de nouvelles conditions pour le crédit immobilier Evoquant le crédit immobilier, Abdelhakim Benbouabdellah fera remarquer que ce secteur «n'a pas connu de mesures exceptionnelles dans le cadre de la loi de finances complémentaire 2009». Ce qui présage qu'«il n'y aura pas d'impact sauf s'il est accompagné par d'autres mesures devant encourager les gens à contracter un crédit immobilier. De son avis, le crédit immobilier pourrait être boosté à travers la révision des conditions d'accès. Pour le secteur des assurances, l'impact sera insignifiant puisqu'un faible taux de la population contracte une assurance habitation, malgré son caractère obligatoire. «Nous n'avons pas encore pris conscience de l'intérêt de cette assurance», reconnaît ce responsable. Et pourtant, enchaîne M. Mameri, «le prix de l'assurance contre les catastrophes naturelles est dérisoire et ne coûte aux ménages que 3 DA/jour, soit une moyenne annuelle de 1500 DA». L'assurance contre les catastrophes naturelles, en dépit de son caractère obligatoire institué dès 2004, ne semble pas avoir eu les effets escomptés, et ce, malgré les sinistres enregistrés en 2008 ayant occasionné des dégâts considérables. Ceci devait entraîner un engouement de la population à contracter cette assurance.