Il s'agit, en effet, d'une rengaine qui revient immanquablement chaque année à l'approche du Ramadhan que cette espèce de valse à quatre temps, ou plutôt à quatre protagonistes que sont dans l'ordre les prix, le gouvernement, le consommateur et le commerçant. Le commerçant joue le rôle de la basse dans la musique de la chanson, c'est-à-dire que c'est lui qui dicte le rythme de la hausse des produits de large consommation, surtout qu'il est secondé par une flopée de spéculateurs qui surgissent d'on ne sait où à chaque fois qu'un rite religieux domine l'actualité de la vie sociale et induit de grands changements dans les habitudes de consommation des citoyens. C'est le cas à l'occasion du Mouloud, de l'Aïd seghir, de l'Aïd kebir et, a fortiori, du Ramadhan qui se caractérise par sa durée et la très forte augmentation de l'offre qu'il entraîne. Juste à titre de rappel, il y a lieu de noter que le Mouloud provoque une forte demande en pétards et autres produits pyrotechniques, l'Aïd seghir celle en vêtements et jouets, souvent dangereux d'ailleurs, tandis que l'Aïd kebir stimule la spéculation sur le prix du mouton. En ces périodes, donc, les prix s'affolent en dépit des mises en garde à l'égard des spéculateurs par le gouvernement, lequel par ailleurs multiplie les déclarations rassurantes et affirme, à chaque fois, qu'il a pris toutes les mesures nécessaires en vue de parer à un emballement des prix. Bien que l'expérience prouve depuis des décennies que, trop souvent, mises en garde et dispositions factuels restent sans effets sur le terrain, les autorités publiques, alors même qu'à quelques semaines du début du Ramadhan les prix affichent une nette tendance à la hausse, le gouvernement, via le ministère de l'Agriculture, rejoue comme tous les ans la ligne mélodique qui lui est impartie dans la chanson : rassurer et avertir contre les dépassements. Que le consommateur, surtout celui qui ne dispose que d'une faible bourse et d'une nombreuse progéniture, ne s'alarme pas trop, le Ramadhan de cette année 2009 ne sera pas trop pénible. D'une part, les autorités publiques vont multiplier les opérations de contrôle et sévir contre les spéculateurs, et d'autre part, le gouvernement a annoncé la mise en place d'un système de régulation visant, sinon à empêcher une sarabande folle des prix, du moins à en amortir un choc trop rude pour les budgets modestes. On recourt, dans ce but, à des professions de foi : «Il n'y aura pas de pénurie de légumes et de viandes !», et à des statistiques lénifiantes : les capacités nationales de stockage des légumes et des viandes rouge et blanche dépassent les deux millions de mètres cubes, alors qu'une production de blé exceptionnelle (plus de 60 millions de tonnes) caractérise la saison agricole 2009. Qui ne voudrait accorder crédit à ces assurances ? Néanmoins, le réalisme incite à la réserve quand on a en mémoire qu'à l'époque du parti unique himself, et donc de l'économie dirigée et des prix administrés, ces derniers n'en faisaient qu'à leur tête. Reste à dire un mot sur le quatrième protagoniste, celui qui est censé dicter sa volonté mais, de fait, celui sur lequel pèse tout le poids du surenchérissement du coût de la vie, à savoir le consommateur. Un premier constat : pendant le Ramadhan, le consommateur algérien change toutes ses habitudes alimentaires et exerce une très forte pression sur l'offre, d'autant plus forte qu'elle s'accompagne de beaucoup de superflu et de… gaspillage, il faut bien le dire ! Et c'est de cette manière qu'il participe activement à la hausse des prix, quoi que l'on dise. Enfin, il n'y a pas de garde-fou, comme une ou des associations efficientes de défense du consommateur pour exercer une pression à la baisse en temps normal, ce qui se fait cruellement ressentir en période inhabituelle comme le Ramadhan. Tout ce qui précède explique, à travers le jeu de tous les acteurs évoqués, pourquoi le mois sacré coïncide avec la mise en branle d'une conjoncture économique où les prix se déchaînent, dans tous les sens du mot…