Se pavaner avec un gros chien est un spectacle devenu courant dans les rues d'Alger. Un comportement dénoncé à maintes reprises, mais qui continue d'être ignoré par les services concernés. La seule présence de pit-bulls, dobermans et autres rottweilers sur des axes très fréquentés de la capitale constitue un danger, sans parler des drames dont ils peuvent être les auteurs. Leur présence et leur nombre grandissant ont de quoi inquiéter, mais l'absence d'une loi pour réprimer ce comportement réconforte leurs maîtres. Interrogée sur la question, une jeune avocate nous informe qu'effectivement «il n'existe aucun texte qui interdise la possession d'un chien de cette nature. Même s'il arrive qu'il soit utilisé comme une arme, il n'est pas classé au même titre que les autres armes matérielles. L'arsenal juridique ne se met en branle que lorsqu'il y a drame, hélas». Rassurés par le vide juridique qui entoure la question, certains maîtres de ces animaux abusent en les détournant de leur véritable utilité, à savoir des animaux de compagnie qu'on ne sort que pour des besoins spécifiques. Ceux-là ne prendront pas la peine de les tenir en laisse ou de leur passer une muselière ; plus grave, ils vont les utiliser dans un illégal business : des combats féroces, au prix de paris où argent et drogue se mêlent pour développer une nouvelle forme de violence. Les crocs du monstre Ramenés de l'étranger avec les documents en vigueur dans ces pays, à savoir le passeport et le carnet de vaccination de l'animal, les services vétérinaires procéderont à leur entrée sur le territoire national sur la base du document certifiant leur état de santé. Quant à leur utilisation future, celle-ci ne fera l'objet d'aucune restriction, si ce n'est que le nom du propriétaire doit figurer sur le carnet de vaccination de l'animal. Pourtant, la férocité de ces bêtes qui se monnaye entre 25 000 et 40 0000 DA sur le marché noir et leur imprévisibilité sont connues de tous. «C'est le cas de le dire», témoigne le jeune Nadir, qui a été pris en chasse par un pit-bull de la rue Didouche Mourad jusqu'au début de la rue Larbi Ben M'hidi. «Je m'estime heureux, même si j'ai eu la peur de ma vie, d'avoir échappé aux crocs de ce monstre. Ce qui n'a pas été le cas pour un autre jeune motard blessé, lui, juste avant moi, au même endroit. Je n'ai dû mon salut qu'aux zigzags dont j'ai usé grâce à ma moto pour me fondre dans la foule et échapper à mon agresseur.» Agresseur est le terme qui sied, même si leurs propriétaires soutiennent qu'ils s'en servent pour leur protection. Mais pour se protéger de quoi ou de qui, quand on a à ses côtés une arme aussi redoutable ? Même sans être sur la défensive, et n'en déplaise aux amis de ces chiens, le pit-bull reste un animal imprévisible. Rafik, un jeune étudiant, l'aura appris à ses dépens. Il nageait dans une piscine lorsque le pit-bull de son copain lui a sauté dessus sans prévenir, le blessant au visage. «Pourtant, avoue-t-il, je n'ai fait aucun geste brutal.» Preuve qu'avec ce genre de molosses, un drame est vite arrivé.