Demain, à moins que ce ne soit samedi, les Algériens, à l'instar des autres musulmans, entameront un mois particulier de l'année théoriquement tout dédié à la ferveur spirituelle et la solidarité. De ce rituel de dépassement de soi, de la mise à l'épreuve de la difficulté de son corps et de la transcendance de ses petits caprices quotidiens, il doit bien rester quelque chose. Parce qu'à considérer la somme d'«efforts» déployée à la proche ou lointaine périphérie de la vocation première du Ramadhan, on se rendrait vite à l'évidence : c'est bien de résidus qu'il s'agit. A tout seigneur tout honneur, manger vient en tête des préoccupations - en fait d'angoisses qu'il s'agit de la majorité alors qu'il est question précisément de… jeûner. Des mois avant son avènement, Ramadhan est déjà sur toutes les lèvres. On s'y prépare dans la spéculation verbale en attendant, ou en même temps, que ne rentre en scène la spéculation tout court. Et pourquoi les prix de la viande et de la courgette ne flamberaient donc pas puisqu'il ne s'agit que de «ça», consommer ? Bien sûr, les augmentations sont souvent artificielles, mais il y a quand même un peu de cause à effet dans tout cela puisque le bon vieux principe de l'offre et de la demande n'est pas encore, quoi qu'on dise, tombé dans la désuétude. S'il y avait plus de spiritualité et de solidarité que de fièvre de l'«empiffrage» dans nos mois de Ramadhan, ça se saurait. Comme il n'y a rien qui le suggère, regardons plutôt la réalité. De braves pères de familles se saignent jusqu'à l'os pour pouvoir «manger dignement» pendant trente jours, des femmes se séparent de leurs bijoux quand ce n'est pas de leurs meubles pour la même «cause» et d'autres contractent des dettes dont ils ne reviennent parfois jamais. A défaut de solidarité, Etat et particuliers organisent une aumône dérisoire et surtout dégradante pour ceux qui la sollicitent. A bien des égards, Ramadhan épouse les contours d'une supercherie nationale où tout le monde crie à la déviation, la bouche pleine et les mains avidement tendues. On importera de la viande mais elle coûtera toujours plus cher, on mettra en garde contre la spéculation mais on spéculera encore, on fera semblant de garder son calme mais on fulminera à la moindre anicroche, on ira au travail sans travailler et on ignorera les pauvres comme avant. Et l'année prochaine on recommencera. Cet e-mail est protégé contre les robots collecteurs de mails, votre navigateur doit accepter le Javascript pour le voir