Le métier de bouquiniste n'est pas une profession au sens propre du terme. Les bouquinistes d'Alger-Centre, autrefois très nombreux, représentent pour beaucoup plus une alternative pour acheter des livres à moindre prix. Mais cette activité connaît actuellement un déclin. C'est avec amertume que les fidèles lecteurs constatent leur disparition du paysage urbain. Moustache à la turque, Ammi Ali exerce l'activité de bouquiniste depuis au moins une quinzaine d'années. L'amour qu'il porte aux livres ne peut se mesurer pour cet inconditionnel vendeur de vieux bouquins : «Si je vends des livres, il est vrai que c'est pour gagner sa vie et ne pas crever de faim. Mais la raison principale est que je ne peux pas vivre sans les livres. Ils représentent l'oxygène que je respire. C'est une véritable passion. Je joints l'utile à l'agréable.» 160 millions de centimes pour un livre Interrogé sur le profil des acheteurs, il affirme que «toutes les catégories socioprofessionnelles et toutes les tranches d'âges le sollicitent, et ce, pour l'achat de livres presque introuvables dans les librairies, car les maisons d'édition ne les ont pas republiés. Même les libraires viennent me demander des livres indisponibles sur leurs étagères. J'ai récemment proposé un livre à 160 millions de centimes. Le libraire a demandé un prêt en contrepartie d'une somme conséquente. J'ai refusé parce que j'étais sûr et certain qu'il allait le reproduire en le photocopiant», raconte-t-il. Les livres les plus vendus sont essentiellement ceux relatif à l'histoire de notre pays, des romans, des best-sellers policiers et dans une moindre mesure des livres de philosophie. Ammi Ali a également parlé des étudiants qu'il dit orienter et conseiller. «Les universitaires, au vu de leur faible pouvoir d'achat, viennent acheter chez moi des livres fort intéressants», soutient-il, particulièrement ceux préparant leur mémoire de fin d'études. Ce n'est pas seulement les livres qui sont proposés à la vente. On peut aussi trouver des revues, des cartes postales, de vieux timbres et chez certains des articles musicaux. Cependant, la réalité des bouquinistes est tout autre. Ammi Ali déclare que c'est la dernière année de son exercice. «Je pars en Europe très prochainement. Le métier n'est plus intéressant et il ne me permet plus de vivre. J'ai réglé toutes les modalités nécessaires pour quitter le pays.» Cette situation ne décrit pas le quotidien d'un seul bouquiniste. Elle caractérise l'ensemble des vendeurs de livres. En effet, ce n'est pas tous les jours qu'ils parviennent à écouler des bouquins. Cela est dû essentiellement à la déculturation de la société et à l'apparition d'autres occupations qui éloignent les gens de la lecture. En est l'exemple des adolescents qui passent leur temps sur Playstation, X-Box et sur les jeux en réseau dans les cybers. Monnayés entre 100 et 3000 DA maximum, les livres sont dans la majorité d'anciennes propriétés de lecteurs. Ces derniers ont pour différentes raisons cédés leur bien aux bouquinistes à des prix plus ou moins intéressants.