Quelle est la part de responsabilité d'un jeune ado imberbe qui vient d'entrer dans le vaste et ingrat monde de la «majorité», surpris dans la cabine d'un P.L. stationné à proximité d'un café. L'avocat de Koléa va s'emparer de cette large circonstance atténuante pour arracher... Visiblement à l'aise avec ce dossier, Mounira Nacer, la juge du pénal de Koléa, juridiction qui dépend de la cour de Blida, appelle une seule fois Abdenasser S., inculpé de tentative de vol, et Saâd L., victime venue réclamer de grosses réparations pour la violation de la cabine de son camion garé à proximité d'un bistrot-café. - «Alors, inculpé, le tribunal ne comprend pas qu'à dix-neuf ans, avec un casier vierge, vous vous trouviez dans la boue d'un délit que vous auriez pu éviter», balance d'emblée la présidente qui a saisi au vol le beau sourire de maître Laceb Ouali, l'avocat du détenu qui tente de cacher sa stratégie de défense. Le jeune inculpé raconte sans ponctuation, comme s'il voulait éviter de malmener la dame en robe noire et au foulard multicolore. - «Madame la présidente, je reconnais avoir été attiré par le diable en voyant la portière mal fermée du P.L. Je regrette. Je n'aurais jamais dû grimper et tenter de voler l'auto-radio.» Zahida Benhamada, la procureure, gonfle les joues, histoire de montrer sa satisfaction, car tous les parquetiers adorent les aveux spontanés. La juge va vite : «Vous ne pouviez pas alors éviter de monter dans la cabine ?» «Non, madame, j'avais l'eau à la bouche. Je croyais même trouver de l'argent.» Nacer prend acte des trois mois de prison ferme balancée par la représentante du ministère public qui avait elle aussi pris note des dix millions de centimes réclamés par la victime angoissée par l'attitude de maître Laceb, lequel va soulever des montagnes en s'emparant de suite de cette histoire de portière mal fermée. «Madame la présidente, nous sommes heureux de ne pas évoquer l'effraction de la serrure de la portière. Ce détenu vous l'a dit. Il a salivé en voyant que c'était mal fermé. Et en droit, on appelle cela le délit provoqué. C'est vrai madame la présidente, il n'avait pas à aller au-devant des ennuis. Il pouvait passer son chemin, mais Satan et la serrure ont été plus forts. C'est pourquoi nous allons tout de même pas outrager le tribunal en demandant la relaxe, mais tenter beaucoup plus d'avancer vers l'indulgence de la juridiction en nous accrochant avec beaucoup de sérénité aux larges circonstances atténuantes», a souligné l'avocat qui gardera son sourire lorsque Abdenasser S. a exprimé une seconde fois ses regrets et lorsque la présidente allait annoncer en fin d'audience la peine de prison de trois mois assortie de sursis. Bonne aura été la décision, la juge estimant que l'âge de l'inculpé ne valait pas plus de jours de détention, mais probablement cette moche histoire de portière mal fermée.