«La distribution des logements en Algérie souffre de beaucoup de bricolage», tonnait au printemps dernier Ahmed Ouyahia lors de son passage sur le plateau de la télévision algérienne. Certes, Ouyahia s'exprimait ce jour là en sa qualité de secrétaire général du RND et non en tant que Premier ministre. Pour autant, et au-delà de cette distinction de fonction, il reste que le propos sonne telle une grave dérive dans la mesure où il est révélateur d'un échec patent d'une politique du logement. Laquelle politique, où probablement la notion du mérite est reléguée au second plan ou carrément ignorée dans presque toutes les opérations de distribution de logements. Est-il besoin de rappeler au passage qu'à chaque fois que les autorités s'apprêtent à effectuer une opération de ce genre, celle-ci se traduit dans la majorité des cas par l'éclatement d'une émeute par des citoyens mécontents de ne pas figurer sur la liste des bénéficiaires. De véritables révoltes se traduisant notamment par des actes d'une rare violence où des locaux de commerce, des édifices publics et même des voitures de particuliers se trouvant dans les parages sont vandalisés. Des exemples de ce genre sont hélas légion. Ils ont tendance à se manifester régulièrement non seulement dans les grandes villes du pays, telles qu'Alger, Oran et Constantine, mais aussi à l'intérieur du pays et même au sud. C'est donc un nouveau phénomène qui menace la tranquillité publique, un brasier mal éteint prêt à se rallumer presqu'à chaque fois qu'une opération d'attribution de logements est à l'ordre de jour. La dernière émeute en date a éclaté dans le sud du pays, vers la fin du mois de juillet, dans la commune de Sidi Khouiled, dans la wilaya de Ouargla. Aussi bien le siège de l'APC que celui de la daïra ont été saccagés et pillés. Durant le même mois, des citoyens dépassant la centaine ont protesté devant le siège de la daïra de Sour El Ghozlane, quelques instants à peine après l'affichage de la liste de bénéficiaires de logements. Cet incident survenu à Bouira venait tout juste de succéder à un autre du même genre se rapportant à l'attribution de logements sociaux dans la localité de Aïn Bessam, relevant de la même wilaya. S'agit-il d'un problème sans solution ? L'on remarque que ces trois mouvements de protestation ont eu lieu le seul mois de juillet, soit juste quelques mois après que le Premier ministre Ahmed Ouyahia ait dénoncé «le bricolage» dont fait l'objet la distribution des logements en Algérie. A croire que depuis cette dénonciation faite par un responsable politique et reprise le lendemain par la majorité des journaux rien n'a été fait. Pas la moindre mesure n'a vraisemblablement été entérinée pour améliorer quelque peu les conditions de distribution de logements. Ce genre d'opération souffre en outre d'opacité dans le choix des bénéficiaires dont on ignore presque la totalité des paramètres de sélection. Une opacité dans le sillage de laquelle beaucoup de gens à l'abri du besoin et des «gros bonnets» en tirent souvent profit. Contactés, un des responsables au niveau du ministère de l'Habitat nous déclare sous le sceau de l'anonymat que «le problème se situe au niveau des collectivités locales et non pas au ministère de l'Habitat, qui lui se charge uniquement de la réalisation». En tout état de cause, pas la moindre solution ne semble entreprise par les autorités concernées en direction du grand public en vue de parer justement au risque d'émeute lors d'une opération d'octroi de logements ou d'affichage des bénéficiaires. Des logements inoccupés par défaut de distribution De sources généralement bien informées font état que beaucoup de logements à travers le pays souffrent du problème de la distribution, alors que leur réalisation et bel et bien achevée depuis un bon moment déjà. Il est question en effet de centaines de logements neufs qui demeurent inoccupés et qui sont de surcroît soumis à la dégradation, voire au squat. Là aussi, on ignore tout sur les véritables raisons qui font que la livraison des logements dont la réalisation est pourtant achevée butte sur un énorme retard.