Au moment où certains pharmaciens signalent des pénuries de certains médicaments, le président de l'Ordre des pharmaciens, Lotfi Benbahmed, s'est voulu rassurant en indiquant qu'«il n'y a pas de classes thérapeutiques qui manquent sur le marché. Nous ne sommes pas dans une situation de crise». Certes, certains médicaments accusent une pénurie mais ils sont remplacés par d'autres de la même classe thérapeutique. Dans certains cas, a-t-il enchaîné, les médicaments qui manquent actuellement sur le marché ne sont pas indispensables. Cependant, M. Benbahmed n'a pas caché son inquiétude pour les prochains mois lorsque certains malades pourraient être pénalisés en raison de la pénurie qui risque d'être signalée pour certains médicaments. Cette pénurie est expliquée par des problèmes d'ordre structurel et spéculatif. Contacté à ce sujet, Lotfi Benbahmed a relevé que le secteur pharmaceutique est complètement administré et est rigoureusement réglementé. Sachant que les importations s'effectuent conformément à un programme annuel validé, les importateurs sont obligés de se conformer à un cahier des charges annuel en plus d'être soumis à des quantités bien définies. Cette limitation des quantités de médicaments importés occasionne des problèmes de rupture de stocks, car les laboratoires étrangers fabriquent les médicaments selon les commandes formulées et ne disposent pas de stocks prêts à l'exportation. Selon lui, la réglementation en vigueur occasionne une situation paradoxale puisqu'il est à la fois exigé à l'importateur de disposer d'un stock de trois mois sans pour autant lui fournir les autorisations d'importations des quantités souhaitées. C'est ce qui crée, a-t-il poursuivi, une situation de crise. D'ailleurs, cette réglementation n'est apparemment pas appliquée puisque des ruptures de stocks sont signalées. Outre ces contraintes, le marché du médicament enregistre des perturbations à l'occasion de chaque changement réglementaire. Ainsi, la décision d'interdire l'importation des médicaments fabriqués localement et les récentes dispositions prises dans le cadre de la loi de finances complémentaire 2009 relatives à l'imposition du crédit documentaire pour l'ensemble des opérations d'importations ont influé sur le marché du médicament. Abordant l'autre raison causant la pénurie, Lotfi Benbahmed a parlé de la vente concomitante, pourtant interdite, exercée par certains grossistes et laboratoires pharmaceutiques, profitant de la situation de perturbation qui caractérise le marché. A ce propos, une pharmacienne témoigne en révélant avoir été obligée d'acquérir une quantité de médicaments dont elle n'avait pas besoin en contrepartie de ceux sollicités par ses patients. Une réglementation adaptée s'impose En guise de solution, le président de l'Ordre a plaidé pour «l'adaptation de la réglementation» en vue d'assurer une continuelle disponibilité des médicaments. La dépendance vis-à-vis des importations est aussi une question à prendre en charge via l'encouragement de la production nationale, qui contribuera à la minimisation de certaines insuffisances. Mais, a-t-il reconnu, l'Algérie continuera à importer certains médicaments, car il est impossible de satisfaire la demande par la seule production locale. Il plaidera aussi pour une réglementation pour assurer la régulation en termes de quantité, tout en garantissant la disponibilité des produits pharmaceutiques. «Il faut trouver des moyens en vue de constituer des stocks de médicaments essentiels», tout en effectuant des contrôles réguliers pour pouvoir réagir à temps. Des mesures drastiques et des sanctions doivent également être prévues pour dissuader les laboratoires et les importateurs qui créent une tension sur le marché, a-t-il pensé, regrettant dans ce contexte le non-aboutissement des plaintes déjà déposées par les pharmaciens au cours des années précédentes. Mais ceci ne dissuade pas M. Benbahmed qui a lancé un appel aux pharmaciens pour dénoncer les cas de vente concomitante au niveau de l'ordre.