Il est de nos jours difficile de rendre publique une liste de bénéficiaires de logements sociaux sans prendre le risque de provoquer un mouvement de contestation ou une émeute. A chaque fois que des anomalies sont relevées dans la liste, les protestataires pointent du doigt les élus locaux qu'ils accusent de népotisme, de favoritisme et de corruption. Depuis plusieurs années, la distribution des logements sociaux ne relève plus des prérogatives des élus locaux. En effet, face à la réticence des élus de procéder à la distribution des logements - en raison de la forte demande et de la faiblesse de l'offre -, le gouvernement a décidé de confier la mission à une commission présidée par la daïra. Une décision que contestent bien entendu les élus locaux en leur qualité de représentants de la population. La commission est composée du chef de daïra, en sa qualité de président, d'un représentant de l'OPGI, d'un représentant de la direction sociale de la wilaya, d'un représentant de la régie foncière, du président de l'APC… «C'est une commission purement administrative et technique», indique le président de l'APC de Oued Koriche, Reda Missoum. Le P/APC n'a aucune prérogative dans l'attribution du logement puisque, explique notre interlocuteur, «il ne représente qu'une seule voix au niveau de la commission». Les demandes reçues au niveau de l'APC sont transmises immédiatement à la daïra où un bureau spécial est ouvert. Tendance à la déshumanisation Le chef de daïra met en place une commission d'enquête pour mener des investigations sur le terrain afin d'évaluer les dossiers. Les membres de la commission, après l'aval du wali, prêtent serment au tribunal. «Ce n'est pas normal que la commission d'enquête soit composée des fonctionnaires désignés par le seul chef de daïra», dénonce le président de l'APW de Béjaïa, Hamid Ferhat. Après enquête, le chef de daïra convoque les membres de la commission pour arrêter la liste des bénéficiaires sur la base d'un barème défini par la loi. Un procédé que contestent les élus. «Le barème sur lequel se base la commission pour attribuer des points aux demandeurs de logement est semblable à un logiciel», regrette M. Missoum, en soulignant que la tendance actuelle tend vers la «déshumanisation» de la commission. «Il faut renforcer la commission par des représentants des comités de quartiers et des notables. Ce sont eux qui connaissent les vrais nécessiteux», ajoute le maire de Oued Koriche. Pour sa part, le P/APW de Béjaïa prône le retour à l'ancien système où les logements étaient distribués par les élus. «La distribution des logements sociaux est une mission qui revient aux élus locaux. D'ailleurs, la commission sociale existe au niveau des APC et non à dans les daïras», précise notre interlocuteur. Une fois la liste établie, ajoute-t-il, l'APC délibérera. «La délibération est publique, ce qui impose aux élus d'agir dans la transparence», affirme Ferhat. Et d'ajouter : «Nous n'avons pas le droit de traiter le statut social du citoyen par des critères définis par l'administration.» «Le problème, c'est le déficit en logements» Le président de l'APC de Rouiba, Merzouk Lakrouz, est catégorique : «Aucune loi aussi parfaite soit-elle ne peut résoudre le problème du logement tellement le déficit en la matière est grave.» Pour le P/APC de Rouiba, le problème ne se pose pas seulement dans la manière de distribuer le logement, mais aussi dans la composition des commissions chargées d'étudier les dossiers. «Lorsqu'on nous octroie un quota de 50 logements tous les cinq ans, alors qu'on enregistre 6000 demandes, il faut s'attendre à des émeutes et à des réactions violentes de la part des citoyens exclus du bénéfice de ces logements», explique M. Lakrouz. «Aujourd'hui, les demandes empruntent l'ascenseur, alors que l'offre emprunte les escaliers», ironise-t-il. Evoquant la complexité de la société algérienne, le premier magistrat de la commune de Rouiba affirme qu'il est difficile de définir les critères d'attribution. «En Algérie, un père de famille héberge sa fille divorcée avec ses enfants, son frère en difficulté, sa tante veuve… Une situation qu'on doit prendre en considération lors de l'attribution d'un logement social», souligne M. Lakrouz. Pour rappel, depuis 2008, les citoyens justifiant d'un salaire allant jusqu'à 24 000 DA peuvent postuler au logement social. Auparavant, les revenus des demandeurs étaient plafonnés à 12 000 DA.