«L'intervention de l'Etat dans la gestion des entreprises et dans l'économie ne devrait pas se faire aux dépens du développement du secteur privé créateur de richesses. Cette mainmise de l'Etat sur l'économie est réductrice.» C'est en ces termes que s'est exprimé hier le président du Forum des chefs d'entreprises (FCE), Réda Hamiani, à l'occasion du cours inaugural de l'année universitaire 2009-2010 de l'institut Management Development International Institute (MDI), sis à Chéraga. Invité par le MDI, le président du FCE est intervenu sur le thème générique «Environnement économique de l'entreprise algérienne et climat des affaires» devant une assistance composée des responsables de l'institut, à leur tête Brahim Benabdeslem, des membres du FCE, des enseignants et des étudiants en sciences de gestion de niveau mastère 1 et mastère 2. Ex-enseignant à la faculté de droit d'Alger, M. Hamiani a donné un cours plus empreint de la réalité économique algérienne que des théories économiques émanant des libéraux occidentaux, notamment le rôle de l'Etat de John Maynard Keynes et l'économie monétaire de Milton Friedman. En qualité d'ancien ministre de la PME/PMI, l'invité du MDI a retracé l'évolution de l'économie algérienne depuis l'indépendance en mettant en relief l'évolution du rôle de l'Etat dans la régulation des affaires économiques, et ce, dans le contexte de l'économie internationale. «Aujourd'hui, nous assistons à une forte intervention de l'Etat qui veut se réapproprier les leviers de l'économie», a-t-il relevé en avouant que le triomphalisme du libéralisme a été remis en cause surtout dans la conjoncture actuelle de crise économique. «L'Etat manifeste un attachement fort au secteur public en mettant à sa disposition les finances. Il y a aussi cette difficulté de mettre en œuvre une stratégie industrielle qu'on a fortement applaudie lors de sa présentation. Nous avons considéré que grâce à cette stratégie nous pouvons connaître les secteurs qui peuvent être des facteurs de croissance. Malheureusement, cette stratégie n'a pas été suivie et nous assistons à la régulation de l'économie par l'élaboration de lois de finances», a soutenu le président du FCE, tout en ajoutant dans le même esprit : «Il manque des visions stratégiques à moyen et long terme. Depuis l'année 2001, nous constatons une succession de lois de finances et à une conception étatiste du développement économique.» La croissance de l'économie algérienne dépend, selon lui, de la dépense publique engagée dans l'amélioration des infrastructures (projets de travaux publics, dessalement et moyens de transport). Les facteurs de croissance sont toujours exogènes, précise-t-il, en citant la pluviométrie et le prix du baril de pétrole. «On ne maîtrise pas la destinée de notre économie. Nous sommes dans une situation de dépendance très handicapante. Sur le plan alimentaire, notre facture a atteint les 8 milliards de dollars par an», fait-il savoir. Abordant la question de l'environnement des affaires, le patron des patrons observe que le marché algérien est potentiel, permettant aux entreprises d'avoir des résultats positifs. Ce facteur est terni cependant par le système bancaire algérien qui «n'arrive pas à s'adapter aux attentes des entreprises» et la pénurie «de terrains et de locaux». A cela s'ajoute la «bureaucratie héritée du système colonial jacobin» faisant de l'administration un réel «obstacle» et un «frein». Les nouvelles structures créées pour accompagner les entreprises ont plutôt accentué, selon M. Hamiani, les blocages. Concernant les ressources humaines, le président du FCE se réjouit de la compétence technique algérienne, tout en relevant une carence en matière de formation, à savoir la satisfaction des besoins du marché du travail. «Les formations doivent être adaptées aux besoins de notre économie», a-t-il insisté. Structure de l'économie algérienne La structure de l'économie algérienne a été passée en revue par l'hôte du MDI. Elle est constituée des secteurs public, privé et de quelques investissements directs étrangers (IDE). Le secteur étatique n'arrive pas à sortir de la politique de restructuration permanente, observe-t-il, en avouant que «le politique ne veut pas céder sa place aux techniciens». Le secteur privé est encore loin de trouver ses marques, fait-il remarquer, en donnant le chiffre de 5000 à 10 000 entreprises privées qui mettent la clé sous le paillasson chaque année, alors que le nombre des sociétés qui naissent est de 30 000 par an. L'objectif des pouvoirs publics de créer 1 million de PME d'ici 2014 demeure, aux yeux du FCE, un projet «volontariste». Selon Réda Hamiani, le secteur privé demeure trop faible et marginal avec un chiffre de 430 000 PME et la majorité de ces entreprises sont familiales. Quant aux IDE, le bilan est «décevant», a-t-il ajouté. «Le groupe Renault a préféré investir au Maroc alors que le marché est en Algérie», a-t-il rappelé en faisant remarquer que «l'Algérie n'est pas encore une terre de délocalisation des IDE». S'appuyant sur l'étude de la Banque mondiale sur le climat des affaires (Doing Business 2010), où l'Algérie est classée à la 148e position sur un échantillon de 183 économies, l'invité du MDI a indiqué que la création d'un entreprise en Algérie se fait en 24 jours, alors qu'à Hongkong et Singapour, une journée suffit pour lancer une société. Sur une note d'optimisme, le président du FCE a estimé que l'Algérie possède un potentiel et des atouts pour envisager son développement, et ce, pour s'ériger en un pays phare dans la région.