Un calme précaire régnait hier à El Ançor après les graves émeutes qu'a connues cette localité située dans la banlieue ouest du chef-lieu de la wilaya d'Oran. Les affrontements entre les forces de l'ordre et des bandes de jeunes ont duré très tard dans la soirée de mardi. La ville garde encore les stigmates des durs moments qu'elle a vécus. L'air était encore hier chargé de relents de gaz lacrymogènes et d'odeur âcre des fumées de pneus brûlés. Les habitants de cette localité qui vivait au ralenti hier ont annoncé que les forces de l'ordre ont interpellé une cinquantaine de jeunes soupçonnés d'avoir pris part aux émeutes. «Il y avait parmi le lot un enseignant de sport employé dans un CEM de la localité. Son tort est d'avoir été surpris en train de filmer les événements», affirment ses voisins. Pour bon nombre d'habitants que nous avons rencontrés, les troubles ont éclaté à la suite de l'intervention jugée musclée des gendarmes qui voulaient dégager les tentes qui barraient le chemin donnant accès aux deux carrières implantées sur un site protégé appelé par la population locale Djorf El Alia, non loin du petit hameau de Guedara, relevant de la commune d'El Ançor. «Nous n'avons fait aucun mal. Nous avons observé un sit-in pacifique et quand ils sont arrivés, ils nous ont arrosés de gaz lacrymogènes. C'est ce qui a conduit aux dérapages», affirment des habitants. Des enfants et des femmes incommodés par les gaz ont été soignés au niveau de la polyclinique de la ville qui surplombe la plaine qui s'ouvre vers la mer pour enserrer le complexe des Andalouses. Les habitants que nous avons approchés parlent de grave menace sur leur vie et celles de leurs enfants. «Nous avons attiré à maintes reprises l'attention des autorités locales sur les dangers de ces carrières mais nos doléances sont restées vaines. Ils n'ont jamais voulu nous entendre alors que l'implantation de ces carrières sur ce site devrait être interdite», affirme un habitant. Ce dernier, qui habite la cité des 60 logements CNL que surplombe le site Carréra où sont incrustées les deux carrières, affirme qu'il a décidé de vendre sa maison et quitter l'enfer de la poussière. «Je l'ai mise en vente pour un prix insignifiant mais personne n'a été intéressé par cette habitation aux murs lézardés et qui vacille à la moindre explosion.» Hier, les magasins et les établissements scolaires étaient toujours fermés et la tension restait perceptible. Certains jeunes que nous avons eu l'occasion d'approcher promettaient de revenir à la charge. «Nous n'avons rien fait, vous voyez le manque d'opportunités d'emploi. La cité n'offre aucun moyen de distraction et les jeunes sont livrés à eux-mêmes. Comment voulez-vous qu'on se taise, nous avons marre de compter nos morts emportés par le rêve insensé de la harga», affirme un jeune habitant la cité des 60 logements CNL d'où la contestation est partie. Un élu local qui a parlé sous le sceau de l'anonymat a reconnu que ces carrières constituent une véritable gêne. «Nous les avons sommées de se conformer avec la loi en installant des filtres pour retenir la poussière et de prendre toutes les précautions pour l'usage de dynamite, mais rien n'a été fait. Vous savez, elles constituent une bonne source financière pour l'APC et offrent de bonnes opportunités d'emploi pour la main-d'œuvre locale. Depuis le lancement du programme de 1 million de logements et de l'autoroute Est-Ouest leur activité a connu un rythme effréné», dira-t-il en précisant que les jeunes émeutiers étaient manipulés par certaines forces occultes que le calme de la localité dérangeait. La tension restait vive encore hier et les gendarmes dépêchés sur les lieux restaient sur le qui-vive. «Vous savez, tout peut basculer d'un moment à l'autre. Dommage, les élus locaux sont restés muets et insensibles à nos doléances. Nous n'allons pas nous taire, nous reviendrons à la chargejusqu'à la fermeture de ces ‘‘satanées'' carrières», ont promis des jeunes «ansri».