C'est une première pour un ex-chef d'Etat en France. L'ancien président Jacques Chirac a été renvoyé hier devant le tribunal correctionnel de Paris dans une affaire d'emplois fictifs à la mairie de Paris dont il fut le maire. L'affaire remonte à l'époque où M. Chirac était maire de Paris (1977-1995). L'ancien chef de l'Etat français est accusé d'avoir payé 35 emplois présumés fictifs au début de son deuxième mandat à la mairie de Paris. Neuf autres personnes sont renvoyées devant le tribunal, dont deux anciens chefs de cabinet de M. Chirac, et sept bénéficiaires supposés d'emplois fictifs. Bénéficiant d'une immunité pénale pendant 12 ans par sa fonction à la tête de l'Etat, M. Chirac a été inculpé le 21 novembre 2007 pour «détournement de fonds publics» dans ce dossier d'emplois de complaisance. Par sa décision, la juge Xavière Simeoni n'a pas voulu suivre les réquisitions du parquet de Paris qui a décidé un non-lieu général le 29 septembre. En effet, le parquet, représentant le ministère de la Justice, avait estimé que les faits antérieurs à 1992 étaient prescrits et que l'enquête n'avait pas permis de caractériser l'infraction pour les faits postérieurs. Dans un communiqué, M. Chirac a déclaré prendre «acte de cette décision en justiciable comme les autres», et s'est dit «serein et décidé à établir devant le tribunal qu'aucun des emplois qui restent en débat ne constitue un emploi fictif». Son avocat a expliqué que la décision de la juge est exactement contraire à celle des magistrats du parquet. «L'un des deux s'est donc trompé», a-t-il souligné. Du côté de la classe politique, le renvoi devant le tribunal correctionnel de l'ancien président n'était pas souhaité, à droite comme à gauche. Le porte-parole adjoint de l'UMP, Dominique Paillé, a affirmé «regretter cette issue», évoquant une «épreuve douloureuse» pour l'ancien président. De son côté, la socialiste Ségolène Royal a estimé qu'un tel développement ne serait «pas bon pour l'image de la France». En revanche, Noël Mamère, député-maire Verts de Bègles, a déclaré sur France Info que ce n'est que justice. «Je n'ai pas du tout d'acharnement contre la personne de Jacques Chirac, mais je pense [qu'on] ne peut pas continuer plus longtemps de protéger ceux qui ont accédé au sommet du pouvoir et se sont protégés eux-mêmes», a-t-il lancé. Jacques Chirac, s'il sera jugé, risque d'écoper de plusieurs mois de prison avec sursis et une peine d'inéligibilité, assortie d'une lourde amende. A 76 ans, l'ancien chef d'Etat se consacre à une fondation qu'il a créée pour le développement durable et le dialogue des cultures. Il demeure très populaire en France. Selon un sondage du 13 octobre, il réunissait 76% d'opinions positives, en tête de toute la classe politique.