Après avoir exercé l'essentiel de sa vie professionnelle comme dinandier, un vieil homme s'est vu obligé de travailler dans l'informel et ériger une table pour vendre des cigarettes. Son cas n'est pas isolé puisque plusieurs artisans d'art ont préféré abandonner et se convertir en vendeur de m'hadjeb ou en gardien de parking, témoigne un artisan qui résiste malgré les grandes difficultés que traverse cette activité depuis de longues années. Rencontré dans son atelier à la Maison de l'artisanat de Oued Koriche, qui accueille du 1er au 10 novembre une exposition sur les métiers d'art, cet artisan, fort d'une expérience de plus de 30 ans, se désole des retombées actuelles de ce métier qui a vu ses rangs désertés d'année en année. Seul son amour pour cette activité «noble» le retient encore. Au lieu de mettre plus de moyens pour développer cet art, il dépérit, obligé de réduire son activité qui n'attire plus de clients. La forte dégradation du pouvoir d'achat décourage les algériens à acheter des produits artisanaux. «L'atelier de mon père employait 75 personnes dans les années 1970 alors qu'en 2009, je suis seul à exercer ce métier», a-t-il déploré. Le cas de ce dinandier est similaire à celui de ses collègues activant à Constantine. Pour sauver la dinanderie et l'ensemble des activités de l'artisanat d'art, ce professionnel plaide pour la création d'un produit bancaire destiné exclusivement à ces métiers. Eligibles actuellement aux crédits bancaires à cause du type de leurs activités, les artisans pourront relancer leur gagne-pain grâce à des facilitations bancaires pour bénéficier d'un crédit d'un montant qui n'excédera pas les 200 000 DA. «Nous n'avons pas besoin d'aides directes», a-t-il insisté, lançant un appel pressant pour créer une banque spécialisée dans le secteur de l'artisanat. Il recommande aussi de réserver un traitement propre aux artisans d'art qui les différencierait de leurs homologues de service. Dire que le nombre d'artisans a augmenté en Algérie ne signifie nullement la bonne santé du secteur, a-t-il estimé, expliquant que des métiers comme la coiffure, la mécanique et la boulangerie sont comptabilisés au même titre que l'artisanat d'art, ce qui fausse les interprétations des chiffres. L'artisanat d'art est similaire à une représentation diplomatique du pays, estime un bijoutier exposant au salon. Cet artisan de bijoux kabyles pense que la relance de cette activité ne sera possible qu'après une baisse substantielle du prix de la matière première, l'argent, acheté actuellement à 49 DA/gr. seul un prix de 20 DA/gr pourrait de nouveau susciter l'intérêt des clients qui pourront s'offrir des bijoux à des prix inférieurs à ceux pratiqués actuellement. A défaut, le recul de la demande va encore s'aggraver pour céder sa place aux bijoux fantaisie, a-t-il alerté. Des mesures bénéfiques mais «dépassées» Sollicités pour donner leur avis sur les répercussions de la baisse des charges fiscales décidée par le ministère de la PME et de l'artisanat, les artisans ont bien accueilli cette mesure limitant les impôts forfaitaires à 5000 DA. Mais, pense le dinandier, cette mesure fiscale a été décidée «très en retard», car elle est intervenue au moment où l'artisanat d'art agonisait déjà. Pour le bijoutier, il faudrait réfléchir à d'autres moyens de relancer ce secteur important pourvoyeur d'emplois. Les jeunes veulent apprendre ces métiers qui risquent de disparaître, alors qu'ils faisaient la fierté de l'Algérie puisque les produits algériens étaient fort demandés dans le monde. «Nous étions sollicités par d'importantes personnalités à travers plusieurs pays comme la Turquie», se souvient-il.